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Journal d'un voyage en
train de Paris à Vladivostok, *
à travers l'empire soviétique de 1979.
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Sur un ton se voulant
humoristique, il décrit quelques aspects de la
vie en URSS et dans le transsibérien. |
Histoire du
Transsibérien |
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NOTE : Les phrases en
italique et les notes ont été ajoutées au
carnet original. |
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SUIVANTE (Moscou - Irkoutsk) |
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Lundi,
9 juillet 1979, 6h30 : Le grand départ
Au fait, ça fait un bout de temps que je
ne suis pas parti en vacances, ça fait
facilement... oui, au moins un mois. Et
pourtant, c'est le moment ou jamais
puisque je suis au chômage. Seulement,
il a fallu que je m'entiche d'une nana
qui enseigne jusqu'à fin juin, qui passe
des concours d'entrée à l'ENA dont il
faut attendre les résultats, qui n'arrive
pas à se décider où elle veut aller et
qui, comble de malheur, ne supporte pas l'avion.
Voyez dans quel pétrin je me suis
fourré !
Enfin, il y a trois semaines, nous nous
inscrivions pour le Transsibérien :
Leningrad, Moscou, Irkoutsk, Khabarovsk
et Vladivostok, puis la traversée en mer
jusqu'au Japon. De là, nous comptons
voler jusqu'à L.A., traverser les USA et
revenir par New York. L'arrêt à
Varsovie nous avait été refusé et nous
n'avions pas demandé à visiter Gorki.
Mais la confirmation du transsibérien
tardait à arriver, nous empêchant ainsi
de réserver les vols après Tokyo. Trois
jours avant le départ, la confirmation
arrive enfin dans la boîte aux lettres.
Ce matin, je prends le train pour Paris,
y dépose mon sac à dos à l'hôtel,
cours à la gare de Lyon pour y
accueillir Anne Marie dont le train
arrive avec une demi-heure de retard (normal,
il vient du sud). Joyeuses retrouvailles
et nous filons à la CGTT pour retirer
notre dossier de voyage et régler la
douloureuse. La CGTT n'est pas la section
Train de la CGT qui s'occupe des billets
vers l'URSS mais une des rares agences de
voyages qui traite avec l'unique agence
soviétique : Intourist. Ne sachant pas
ce que l'avenir nous réserve, nous nous
payons une bonne soirée parisienne. |
Cliquer
sur la miniature pour obtenir une vue de
notre périple sur une carte soviétique |
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Mardi
10 juillet : Le Rideau de fer.
Branle-bas de combat à 6h. Le train pour
Leningrad nous attend à la gare du Nord,
avec coup de sifflet à 7h33. Ce sont des
compartiments avec banquette-lit pour 3
personnes (mâles et femelles), mais nous
réussissons à nous retrouver seuls. Nos
sacs à peine posés, les 2 russes qui s'occupent
du wagon nous confisquent billets et
passeports. Je n'aime pas du tout ça ;
les tracasseries administratives ne se
seront pas fait attendre!
Vers midi, nous traversons la Belgique et
pénétrons en RFA. Une dernière bière
capitaliste avant d'arriver à Berlin
vers 22h. Puis nous traversons une zone
bourrée de barbelés, nous nous
demandons bien ce que cela peut être. La
journée a été longue et nous nous
endormons pour une bonne nuit, pensons-nous.
Vers 2h., la porte s'ouvre d'un coup sec
et la lumière s'allume : contrôle. J'avais
pourtant bien cru avoir fermé la porte
à clef ! C'est 1984 de G.Orwell ! Non, c'est
simplement la frontière polonaise. Pas
plutôt rendormis qu'un 2ème
contrôle arrive, cette fois pour les
déclarations de devises. Comme nous
dormons dans le plus simple appareil, je
dois à chaque fois enfiler un slip et
descendre de la couchette du haut en 4ème
vitesse, les porteurs d'uniforme n'étant
pas du genre patient. Pas d'autre
problème pendant la nuit, merci. |
Mercredi
11 juillet : La Pologne.
Au réveil, nous découvrons Varsovie (uniquement
à travers les fenêtres du wagon
malheureusement), ainsi que les premiers
thés à la russe servis par nos
cerbères ferroviaires (elles sont deux
par wagon). Ce qui frappe avant tout dans
le paysage communiste, c'est l'absence de
couleur. On dirait que la peinture est
inconnue de ce coté-ci du rideau de fer.
Pas de construction moderne non plus. C'est
comme si le temps s'était arrêté en
1950, comme si je visionnais un film en
noir et blanc, agrémenté seulement de-ci
de-là d'affiches publicitaires, mais
politiques, donc rouges.
Un peu avant la frontière russe, nos
wagons sont montés sur des vérins et
ils trifouillent je ne sais quoi pendant
plusieurs heures. Changement d'essieux
sans doute, l'écart entre les rails n'étant
pas le même en Russie, à ce que j'ai
cru comprendre. Nous restons bien sûr
dans le train. Je vais pour me rendre aux
toilettes mais le cerbère me dit que c'est
interdit, car la frontière soviétique
approche. Ah bon ! Je suis généralement
plutôt du genre contestataire mais là
je sens à je ne sais quoi qu'il ne vaut
mieux pas. La contestation, c'est bien,
mais à l'ouest. A l'Est, même munis de
passeports étrangers, c'est une autre
histoire.
Il ne faudra pas l'oublier et mesurer
le courage immense de beaucoup quand dans
quelques années Solidarnosc affrontera
tout le régime. Mais en cette année 79,
Valésa n'est encore qu'un ancien
gréviste de Danzig au chômage. Et
personne ne conteste le dicton : "
Mourir pour Danzig ? Non merci, on a
déjà donné !".
Le train repart enfin. Pas de barbelés
en vue mais trois contrôles successifs
en une heure de temps. Dîner au wagon-restaurant. |
Jeudi
12 Juillet : Leningrad (St
Petersbourg jusqu'à la mort de Lénine
en 1924, et de nouveau St Petersbourg
depuis 1991.)
Je commence à avoir mal au ventre, est-ce
le fait de l'anxiété, d'être en
territoire soviétique? Arrivée à
Leningrad vers 8h 30. Billets et
passeports nous sont rendus juste à l'arrivée.
Un employé d'Intourist nous accueille et
nous conduit à notre hôtel. Là, on
nous confisque de nouveau nos passeports.
Nous protestons mais il paraît que c'est
le règlement, pas moyen d'y déroger. La
chambre, à l'époque, nous apparaît d'un
véritable luxe. Pensez donc : baignoire,
télé, radio, ventilation, téléphone,
meubles et tapis vieux style, espace
immense, nous n'avions encore jamais
connu çà ! Le tout un peu vieillot et
rouge sombre, mais classe quand même. Et
dire qu'il fallait que nous vinssions en
pays communiste pour nous initier à la
grande vie dès le premier jour ! Comme
une renaissance, quoi. |
Ou alors est-ce que les
Soviétiques s'imaginent que les
occidentaux ne peuvent pas vivre
autrement que dans le luxe ? Ou encore
plus simplement que c'est le meilleur
moyen de leur soutirer quelques dollars
supplémentaires.
D'après ce que nous avons compris, les
chambres ne sont pas au même prix pour
les occidentaux que pour les autochtones
; environ sept fois plus. Sans parler du
taux de change. Mais il est vrai que ne
sont comparables ni les salaires d'un
coté, ni les avantages sociaux de l'autre.
Bref, ce sont deux mondes économiques
différents, et il semble justifié que
les choses n'aient pas la même valeur
financière.
Nous avons le temps dans la matinée de
faire une balade dans le centre ville. Déjeuner
tant bien que mal dans un petit
restaurant et lèche-vitrines
en règle dans l'après-midi. Nous
faisons connaissance avec les premières
queues. Dans un magasin, il y en a trois
en général : une pour commander, une
pour se faire servir et une dernière
pour payer. Il faut juste ne pas être
trop pressé.
Le soir, on se paye bien sûr un
magnifique ballet sur glace, mais je
commence à avoir de la fièvre. Nuit
difficile ; j'entends même Anne-Marie
parler toute seule au beau milieu de la
nuit. A quoi rêve-t-elle ?
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Leningrad : le fameux
palais d'hiver, particulièrement chargé
d'histoire, notamment en 1917.
Servit de demeure au tsar de l'automne au
printemps.
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Vendredi
13 (et il porte bien son nom celui-là,
je m'en rappellerais : Kafkaïen).
Au matin, la fièvre est
là plus que jamais, et nous faisons
appeler un toubib. Deux heures passent et
enfin 3 femmes et un homme s'annoncent :
3 toubibs et une interprète. Ils ne font
pas les choses à moitié, ces ruskofs !
Une des toubibs commence à m'ausculter
et à me maltraiter le bide. Je leur
explique un peu tous mes symptômes et
demande ce qu'ils en pensent.
"Et bien",disent-ils,
"il est
bien possible que ce soit une appendicite,
et pour s'en assurer, il faudrait faire
des analyses à l'hôpital".
Il ne manquait plus que çà. Moi, l'appendicite,
çà m'affole quand même un peu, j'aimerais
bien savoir. Et s'ils trouvaient autre
chose, ils me donneraient alors des
médicaments pour continuer le voyage.
Devant notre hésitation visible, ils
ajoutent :
"Cela
prendra une heure ou deux maximum, et
après nous vous ramenons. Mais c'est
comme vous voulez".
Anne-Marie me dit qu'une fois là-bas,
nous ne pourrons plus en ressortir.
" Mais
non, mais non ", dis-je
mollement. "
Au fait, dans le cas où les tests s'avéreraient
positifs, que se passe-t-il ? ".
"Encore
une fois, c'est comme vous voulez ;
étant donné que vous voulez quitter
Leningrad ce soir, on vous ramène ici en
voiture"
Longues secondes de réflexion et puis :
"OK, on y va". Car je tiens
absolument à ce que Anne-Marie m'accompagne,
ce à quoi ils font un peu la gueule.
Nous montons donc à 6 dans une ambulance,
où un chauffeur nous attendait. Le
trajet ne semble pas mais est...
réellement interminable. Le centre
hospitalier semble être à l'autre bout
de Leningrad.
Enfin nous y voici. On me fait tout de
suite allonger sur une civière, puis on
me confisque un peu de sang et d'urine.
38,8 C de température : je ne pensais
pas en avoir autant. Une dame (qui ne se
présente pas) n'arrête pas de me poser
des questions tant bien que mal en
allemand, tout en m'appuyant sur le bide.
En fait, j'ai mal un peu partout, et j'ai
eu quelques élancements du coté droit,
ce dont je me suis gardé de parler. La
dame en écrit un véritable roman. Je
promène le regard autour de moi : ce
bâtiment semble daté de la dernière
guerre. Les murs sont complètement
défraîchis, les draps grisâtres et
couverts d'anciennes taches, et même si
l'ensemble paraît propre, il ne donne
pas envie d'y passer ses vacances. Au
bout d'une heure, nous commençons à
nous impatienter :
" Bon
alors, ces analyses, qu'est-ce que ça
donne ?
- Il
faut opérer.
- Comment ça, comment ça, mais il n'en
est pas question. To poï ("T'es fou !". A
prononcer en se frappant le front de la
paume de la main. Non, nous n'avons pas
dit ça, mais je ne résiste pas au
charme de cette langue). "Nous devons
prendre le train ce soir, et nous le
prendrons."
Mais en face, ils restent sourds à toute
récrimination. Anne-Marie est soudain au
bord de la crise de nerf et n'arrête pas
de m'engueuler. Moi, je suis un peu
abasourdi, et avec 38,8 C, un peu lent au
démarrage. Devant ce qui semble être
une situation bloquée, la dame change de
tactique : je dois aller à l'hôpital
pour d'autres analyses et nous pourrons
avoir le train de ce soir. Mais nous n'y
croyons plus. Des infirmières viennent
nous chercher et nous font comprendre en
russe que moi, je dois aller à l'hôpital
et Anne-Marie à l'hôtel. Pas question !
Si on m'amène à l'hôpital, Anne-Marie
vient avec moi. D'abord pour les
empêcher de me garder et ensuite parce
qu'on pourrait la contraindre à
continuer seule le voyage. Le face à
face dure un quart d'heure avant qu'un
toubib parlant enfin l'anglais arrive
pour nous expliquer que mon sang est
mauvais, qu'il s'agit d'une appendicite
aiguë et que par conséquent il ne peut
pas nous permettre ('permit' is stronger
in English) de continuer le voyage.
" Dans
ce cas, malgré toute notre confiance en
la médecine soviétique, vous
comprendrez que nous préférons rentrer
en France pour y être opéré.
- Non...
impossible ; et s'il arrive quoi que ce
soit pendant le trajet ? Je suis
responsable.
- Je vous signe une décharge.
- Non,
ce n'est pas suffisant, il faudrait une
autorisation spéciale de votre ambassade.
- Très bien, alors nous allons à l'ambassade
tous les deux et revenons vous apporter
cette autorisation.
- Ah
non. Vous, vous allez à l'ambassade, et
vous, vous allez à l'hôpital !
- Peut-on téléphoner pour prévenir l'ambassade
?
- Heu
oui ! C'est à l'entrée, par là."
Il nous y emmène et nous
poireautons un petit peu. La cerbère à
l'entrée est en train d'enregistrer mon
évacuation ou admission à l'hôpital.
Quant au téléphone, soit elle ne
comprend pas, soit elle ne veut pas
comprendre. Et le toubib anglophone est
reparti tout de suite.
Anne-Marie me répète depuis une heure
qu'il ne s'agit pas d'une appendicite,
encore moins aiguë.
"
Comment le saurais-je, moi, j'en n'ai
jamais eu ! " C'est
vrai que j'imaginais que cela faisait
plus mal que ça.
" Moi, j'ai été opérée de l'appendice,
et crois-moi, si c'était cela, tu te
roulerais par terre " me dit-elle.
Hé ho! elle ne forcerait pas un peu la
dose, la donzelle? Elle n'a surtout pas
envie de se retrouver toute seule, oui.
Bref, je ne sais plus du tout à quel
camarade me vouer.
De son coté, Anne-Marie ne reste pas
inactive. Elle inspecte tout dans l'entrée,
mais surtout la porte, s'il y a une
ouverture électrique : il ne semble pas,
mais nous n'en sommes pas complètement
sûr. " Alors, qu'est-ce qu'on fait
? ", ne cesse-t-elle pas de me
répéter.
Et puis à un moment, ça fait tilt, je
me suis décidé à sortir coûte que
coûte : OK, dis-je à Anne-Marie. Elle
reprend immédiatement des couleurs. Je
me rapproche l'air de rien de la fenêtre
qui est à coté de la porte et Anne-Marie
me rejoint. Nous sommes alors en dehors
du champ de vision de la cerbère. Un
coup d'il aux alentours... c'est le
moment. Top chrono, le 100 mètres est
lancé, bras dessus, bras dessous. Nous
franchissons la porte et courrons sous la
pluie. J'ai l'impression de faire du
surplace. Derrière nous, la voix de la
cerbère nous emplie d'abord les oreilles
puis s'estompe. Je me retiens pour ne pas
regarder en arrière. Nous sommes dans la
rue... un bâtiment sur la gauche... on s'y
engouffre. C'est une sorte d'exposition.
On attend là 5 minutes. Tout reste calme
dans la rue : la première manche semble
gagnée. Encore heureux qu'il n'y ait pas
eu de gardes à l'entrée de l'hôpital !
Pendant ces 5 minutes, nous avons un peu
le temps de réfléchir, tout en
reprenant notre souffle. Deux
possibilités :
1) L'hôpital laisse courir, c'est le cas
de le dire. Solution qui nous apparaît
saine et qui ne demande pas à être
approfondie davantage.
2) Où alors ils veulent nous avoir pour
suivre la procédure et ne pas être
inquiétés eux-mêmes, et on ne voit pas
très bien comment ils peuvent louper
leur coup : ils connaissent mon nom, l'hôtel
et l'heure de départ à la gare. Il leur
suffit de téléphoner à l'hôtel pour
qu'ils bloquent mon passeport.
Donc à nous de leur donner le plus de
fils à retordre. L'administration russe
est lente, nous pouvons peut être la
prendre de vitesse. Objectif : l'hôtel,
les passeports, les billets, et zou on s'en
va ! Et tant pis bien sûr pour la visite
de la ville, nous n'y pensons même plus.
Bon, seulement, nous ne savons pas du
tout où nous sommes. Il faut rejoindre
le centre mais d'abord prendre n'importe
quel bus pour s'éloigner d'ici. Rien à
droite, rien à gauche, hop, nous sortons.
Il y a beaucoup de monde un peu plus loin...
tiens, c'est un hôtel Intourist. Des
gens partent en excursion à Pedrovoretzk.
Anne-Marie saute sur l'occasion (avec un
esprit d'à propos qui décidément me
plaît chez cette jeune fille), et
demande à la guide si elle ne pourrait
pas nous emmener au centre ville. On lui
explique (elle parle remarquablement le
français) que nous nous sommes perdus et
que nous voudrions retourner à notre
hôtel. " OK, montez ".
Du centre, nous reprenons un bus de la
ville pour rejoindre l'hôtel. Tout le
monde nous y paraît suspect. Pas d'ambulance
ni de voiture de flic à l'entrée.
Arrivés dans le hall, le portier nous
hèle, merde. Ah, c'est juste pour nous
demander les cartons de l'hôtel. Nous
lui montrons la clef, il paraît content.
Anne-Marie va au comptoir chercher les
billets et les passeports. Bon sang, c'est
long ! Il faut y expliquer que nous
voulons visiter le centre ville et nous
rendre ensuite directement à la gare.
Les précieux papiers sont enfin dans nos
mains. Jamais sacs n'auront été fermés
aussi vite.
A l'arrêt de bus, une ambulance passe et
se dirige vers l'hôtel, met son
clignotant, mais va en fait vers un autre
ensemble. Pour plus de sûreté, nous
prenons le premier bus, ce n'est pas le
bon mais ça fait rien. Si bien qu'on se
paume. Il faut toute l'amabilité d'une
brave dame (Spassiba!) qui nous pilote
jusqu'à un tramway dans lequel nous
montons tant bien que mal. Il est bondé,
nous nous retrouvons complètement
coincés avec nos sacs. Une petite
vieille nous invective, sans doute parce
que nous bloquons tout le monde. A moins
que cela soit parce que nous avons omis
de payer, c'est vrai, c'est pas très
communiste, comme comportement. Je lui
réponds d'aller se faire voir, en
français dans le texte. La plupart des
voyageurs restent indifférents, d'autres
sourient. Nous, pas ! On loupe l'arrêt
parce que je n'arrive pas à sortir. Le
prochain est le bon et nous nous reposons
de ces émotions à la terrasse de l'hôtel
Leningrad en écrivant quelques cartes et
en mangeant un morceau.
Deux heures et demie avant le départ de
notre train, nous prenons un taxi pour la
gare. Là, sous le froid et la pluie,
nous observons un peu la foule : quelques
non-moscovites sont facilement
reconnaissables, avec leur sac bourré de
légumes. Ils se rendent sans doute au
marché vendre le produit de leur lopin
de terre. Étant donné le coût modeste
des transports, c'est une activité
rentable (certains utilisent même l'avion,
parait-il). D'autres ont des fleurs à la
main. Des militaires bien sûr, mais
surtout des miliciens, jeunes pour la
plupart, reconnaissables à leur brassard
rouge. La flèche rouge (train Leningrad-Moscou)
arrive enfin, et quand il redémarre à
minuit moins une avec deux français en
plus, nous poussons un immense ouf de
soulagement. Je comprends enfin l'univers
de Kafka. Ça rend parano en moins de
deux.
Dans notre compartiment, deux kenyans
nous tiennent compagnie. Ils étaient
étudiants depuis un an en URSS et
parlaient l'anglais. Nous avons ainsi pu
apprendre quelques petites choses de leur
expérience. Par exemple que la médecine
soviétique était très bonne mais qu'elle
avait parfois tendance à garder les gens
pour des petits riens. Pas de commentaire.
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Histoire
du transsibérien :
La construction du Transsibérien
a été décidée en 1891 et
entreprise par les deux bouts. Elle s'achevait
en 1903, lorsque la guerre russo-japonaise
(1904-1905) priva la russie du
transmandchourien (construit de 1897 à
1903). Il fallu alors construire le
tronçon Tchita-Vladivostok, qui fut
ouvert en 1917. Le voyage à partir de
Moscou, à 9334 km du pacifique, dure
environ neuf jours.
Le Transsibérien est raccordé à
diverses voies de pénétration : vers le
Kazakhstan, la Chine et l'Asie centrale (voir
la carte actuelle).
Partir aujourd'hui : Le
voyage vous tente? vous trouverez toutes
les informations pratiques sur le
Transsibérien et bien d'autres choses
sur https://www.espace-transsiberien.com.
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NOTE :
Lèche-vitrines
: Je ne devrais pas dire lèche-vitrines
mais plutôt lèche-petits-carreaux,
rares étant les magasins russes munis de
vitrine. La perspective Nevsky, l'artère
principale de Leningrad, en est l'exception
la plus notoire. Il nous arrivera à
Moscou de passer devant des échoppes
sans nous en apercevoir. Retour
lèche-vitrines |
A ce point , je ne
résiste pas à vous narrer une blague
où les fonctionnaires soviétiques se
définissent eux-mêmes :
"On ne fait rien, mais tous ensemble...
et de bonne heure ! "
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