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Prologue : Cette
année-là, du fait sans doute des
circonstances du voyage (croisière
organisée, en groupe
), je n'avais
pas du tout rempli de quelconque carnet,
contrairement à mon habitude. Qu'à cela
ne tienne, je dispose de photos, d'environ
une heure de vidéo, d'un ou deux
brouillons de carte postale, de ma
mémoire même défaillante et du
synopsis de la compagnie de voyage. Avec
tout ce matériel, ce serait bien le
diable si je ne réussissais pas à
reconstituer ces 15 jours de croisière
pour en faire un récit certes moins
vivant mais acceptable ! Ce sera à vous
d'en juger à la fin du carnet. |
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Samedi 22 mai 1993 :
Strasbourg-Paris et vol Paris-Le Caire. Michèle et moi devons
rejoindre Paris et l'aéroport Charles de
Gaulle pour 14 heures. Au comptoir de la
compagnie Transnil, on nous remet nos
billets d'avion : le départ est à 16
heures en airbus A300.
Arrivée au Caire à
21h15 heure égyptienne (une heure de
plus), suivie du transfert à l'hôtel.
Dimanche 23 mai 1993 : Le Caire
pyramides.
Le matin, nous nous
déplaçons d'une trentaine de km au sud
du Caire pour aller voir l'une des plus
vastes nécropoles d'Égypte qui porte le
nom du village actuel de Sakkarah. C'est
ici qu'Imhotep, vizir et architecte du
roi Djéser, construisit vers 2700 avant
notre ère, donc au début de l'ancien
empire (2700-2200 av. JC) et après
quelques tâtonnements, la fameuse
pyramide à degrés. Grâce à J-P. Lauer,
un autre architecte qui se consacre
depuis plus de 50 ans à sa restauration,
nous pouvons la voir aujourd'hui à peu
près comme elle était. La pyramide
était entourée d'une enceinte avec une
série de portes en trompe-l'il. D'une
hauteur de 60 mètres, la pyramide
comporte six degrés et coiffe un puit de
28 m où reposait la momie du roi Djéser
: on n'en a semble-t-il retrouvé qu'un
pied, ce qui est encore étonnant.
En quittant Sakkarah,
nous nous arrêtons dans un village connu
pour ses tapisseries entièrement faîtes
par des enfants. De la sélection des
couleurs des laines à leurs teintures
jusqu'au tissage, ils travaillent paraît-il
en toute liberté, sans modèle ni
formation. Et à quelle vitesse ! À mon
étonnement, Michèle s'assoira un moment
à coté d'eux devant un métier à
tisser pour essayer d'en apprendre un peu
plus.
Celui qui tient la
souris a 40 ans aujourd'hui, cela se
fête dans la vie d'un homme ! Mais
comment ? Eh bien tout simplement en
allant voir ce que l'on a coutume d'appeler
une des 7 merveilles du monde, la
pyramide de Khéops, dont la visite est
prévue pour cet après-midi, en
remontant de quinze kilomètres vers le
Nord. Ce qui me permettra de m'inspirer d'un
certain Bonaparte en m'exclamant devant
les pyramides : "Du bas de ces
pyramides, 40 ans LES contemplent".
Symptôme d'un ego surdimensionné, me
direz-vous ? Ce n'est pas impossible.
Sans oublier ses
soeurs Kephren et Mykerinos (la plus
petite), ni le sphinx, le tout étant
situé sur le plateau de Guizeh. La
pyramide de Khéops mesure 230 mètres de
coté et encore 138 de haut. Je dis
encore parce que son sommet s'est un peu
effrité, étant à l'origine à 146m du
sol. S'il vous reste quelques souvenirs
en géométrie, vous en calculerez son
volume. Constituée de 2 600 000 blocs,
elle serait assez vaste pour contenir la
basilique St Pierre de Rome. C'est elle
aussi qui a l'orientation géométrique
la plus exacte, l'écart moyen avec les 4
points cardinaux se réduisant à 4
minutes d'arc. Ce qui atteste que les
égyptiens de la IVème
dynastie (vers 2550 av. JC) avaient des
connaissances astronomiques extrêmement
pointues.
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(Toutes les
miniatures de 100p.
peuvent être agrandies en cliquant
dessus.) |
Alignement
bédouin-sphinx-pyramide-soleil. |
Mais au fait, quelles
sont les six autres merveilles ? On pense
au colosse de Rhodes, peut-être au phare
dAlexandrie et aux jardins
suspendus de Babylone, mais le mausolée
dHalicarnasse, la statue de Zeus
Olympien à Olympie et le temple dArtémis
à Éphèse se sont évaporés de nos
souvenirs d'école, en tout cas des miens,
y fussent-ils entrés jamais. Et il
semble normal qu'on ne pense qu'aux
pyramides d'Égypte, les autres
merveilles ayant disparu. Je devine maintenant la
question au bout de vos lèvres : comment
les égyptiens s'y sont-ils pris ?
On en a bien une
petite idée avec des scènes de bas-reliefs
qui nous montrent les transports de blocs
de pierre se faisant toujours sur
traîneaux. Ceux-ci étaient tirés par
des hommes depuis une carrière jusquau
Nil puis transportés par bateau jusquà
un débarcadère près du chantier. Des
pistes de terre argileuse permettaient
alors de haler les traîneaux jusquau
monument en chantier. Là, ils étaient
vraisemblablement hissés au moyen de
rampes de brique et de terre pour leur
mise en place (On a souvent pu observer
des restes de rampes dans les monuments
égyptiens).
La construction de Khéops aurait
nécessité, selon Hérodote, la
réquisition de 100 000 hommes pendant 20
ans.
Mais revenons à aujourd'hui : le
dépaysement du lieu est accentué par la
présence de bédouins qui cravachent
leur dromadaire en nous virevoltant
autour. Je suppose que c'est une idée de
l'office du tourisme. Et tant pis s'il s'agit
d'un anachronisme, la domestication du
dromadaire étant postérieure à l'édification
des pyramides.
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Caravanes
au repos. |
Lundi 24 mai 1993 : Le
Caire musée, bazar. Le matin est consacré
à la visite du musée des antiquités
égyptiennes, dont la pièce maîtresse
est le trésor de Toutankhamon.
L'après-midi,
visite de la citadelle du Caire avec les
mosquées de Mohamed Ali et de Ibn
Touloun. Nous terminons la journée par
le bazar de Khan El Khalili, encore bien
animé. Nous levons la tête au milieu du
bazar afin de voir des ensembles de
moucharabiehs (ou moucharabiés) plutôt
ternes. Ces treillis placés devant les
fenêtres doivent permettre dans les pays
arabes, de voir sans être vu.
Le soir, nous
retournons à Guizeh pour assister à un
spectacle son et lumière historique.
Mardi 25 mai 1993 : Le Caire -->
Assouan --> Abou Simbel.
Ce matin, nous nous
envolons pour Assouan où nous déjeunons
près du lac Nasser. Nous sommes
cinquante personnes et poursuivons jusqu'à
Abou Simbel répartis en deux cars, ce
qui nous permet de traverser le désert
de Nubie pendant plus de 3 heures. La
route toute droite parfaitement
goudronnée s'étend à perte de vue,
bordée de chaque coté par le sable.
Nous y croisons des caravanes de
dromadaires. Mais pas sur la route elle-même,
faut pas déconner.
Après installation
à l'hôtel Nefertari, nous allons
découvrir les temples d'Abou Simbel
bâtis à la gloire de Ramsès II et de
son épouse Néfertari.
Encore une chance,
car sans les efforts de l'UNESCO, ces
temples auraient pu rester au fond du lac
Nasser lors de la mise en fonctionnement
du haut barrage d'Assouan (construction
soviétique de 1957 à 1971). Nasser n'aurait
tout de même pas permis cela, pensez-vous.
En fait, tout serait
parti du refus américain de financer
sans condition ce projet auquel Nasser
tenait par-dessus tout, entraînant une
réaction en chaîne rocambolesque. Afin
de trouver les sommes nécessaires à la
construction de SON barrage, Nasser
nationalise le canal de Suez en juillet
1956, ce qui entraîne une riposte anglo-israëlo-française
4 mois plus tard. Riposte stoppée très
rapidement par le quasi-ultimatum
conjoint des E.U. et de l'URSS, pourtant
en pleine guerre froide. À cet instant,
l'Europe prend enfin conscience qu'une
page est tournée pour elle.
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Les
différentes étapes de notre voyage. |
J'ai tout de même du mal
à croire que Nasser ait eu l'intention d'accepter
les conséquences de son bras de fer avec
les pays occidentaux, c'est-à-dire la
perte de plusieurs sites historiques
inestimables. Quoique ; on ne saura sans
doute jamais. Toujours
est-il que les deux temples d'Abou Simbel,
celui de Ramsès II et celui de Nefertari,
ont été démontés et découpés, pour
être reconstruits le long dune
énorme montagne édifiée
artificiellement.
La chaleur est
lourde mais supportable. Et surtout il n'y
a pas grand monde, donc pas de file d'attente,
pas de bousculade.
Les temples ne
furent découverts qu'en 1812 par un
explorateur suisse. Cinq ans plus tard, l'archéologue
italien Belzoni explora le grand temple.
Sur sa façade simposent quatre
colosses de Ramses II de 20 m de haut. À
leurs pieds se blottissent en miniatures
sa mère, sa femme et ses enfants. Comme
quoi le machisme n'a jamais eu de
frontière, ni géographique ni
temporelle ni hiérarchique.
Lentrée est surmontée dune
statue du dieu solaire, à tête de
faucon. Elle donne accès à la partie
souterraine du temple, une fois passée
sa toute petite porte munie d'une clé
monumentale en forme de Ankh, la croix de
vie. Sur les murs de la première salle
sont gravées des scènes d'exploits
guerriers de Ramsès II : à droite,
la célèbre bataille de Qadesh (contre
les Hittites, 1285 av JC) alors qu'à
gauche, il vole sur son char à l'assaut
d'une citadelle. Mais Qadesh restera aux
mains des Hittites. On pénètre ensuite
dans une salle à quatre piliers, avec
trois chapelles au fond. Contre la
paroi du fond de la chapelle du milieu
sont adossées quatre statues taillées
dans le roc : celles de Ptah, Amon-Râ,
Ramsès II divinisé et Râ-Horakhty.
Le temple était orienté de sorte que,
pendant deux intervalles autour des
équinoxes, le soleil éclaire les
statues, sauf celle de Ptah, dieu
funéraire, qui restait toujours dans lombre.
La façade du petit temple consacré
à la reine Nefertari, identifiée à la
déesse Hathor, suit linclinaison
de la falaise (C'est Hathor que l'on dit
mère d'Horus ! un jeu de mot
pareil, je ne pouvais pas le laisser
passer). De chaque côté de la porte,
trois niches abritent une statue de
Nefertari encadrée par deux statues de
Ramses II.
Mercredi 26 mai 1993 : Abou Simbel
--> Assouan.
Le site nous avait
fait une telle impression hier que nous y
retournons seuls au lever du soleil,
malheureusement couvert. Michèle et moi
avons pu rester tout à fait seuls
pendant 10 minutes devant les temples.
Quel régal !
Par cet ensemble
grandiose d'Abou Simbel, l'Égypte de la
fin du nouvel empire signifiait la
suprématie du Pharaon sur les peuples du
sud.
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Abou Simbel
: Grand
temple de Ramsès II. |
Bataille de
Qadesh,
semi-défaite pour Ramsès. |
Ramsès II
à l'assaut d'une citadelle. |
Les 4
divinités au fond du temple. |
Petit
temple de Nefertari. |
Esclaves représentés
sur certains bas-reliefs. |
Retour à Assouan par le
même chemin qu'hier, où nous embarquons
à bord du 'NORA', le bateau de
croisière chargé de nous ramener au
Caire. Comme il se doit, nous avons droit
à un verre de bienvenue en montant à
bord. Deux guides, un organisateur,
cinquante touristes se répartissent sur
un rafiot pouvant contenir 120 personnes.
Nous ne serons pas les uns sur les autres
et pourrons ainsi voguer tranquille
Mimile sur le Nil.
Après quelques kilomètres seulement,
nous descendons un moment pour observer
la première cataracte du Nil depuis les
hauteurs du mausolée de l'Agha khan (le
3ème je suppose, mort en 1957).
La première ou la sixième cataracte si
on les compte depuis la source du Nil
située au lac Victoria. |
Ces cataractes sont des
bosses dans la barre de roches
granitiques et elles ont toujours rendu
la navigation dangereuse. Jeudi 27 mai 1993 :
Assouan.
Autres monuments de
Nubie sauvés grâce à l'UNESCO, les
temples de l'île de Philaë ont pu être
transférés 300m plus au Nord dans la
petite île d'Agilkia, aplanie pour la
circonstance. Nous nous rendons donc ce
matin sur ce site situé à 5 km au sud d'Assouan.
Le temple principal dédié à Isis a
été rafistolé lors de son déplacement.
Au bout d'une allée bordée de
colonnades, on entre dans le temple par
un pylône gardé par deux lions,
rassurez-vous en granit.
Pylône : Entrée monumentale d'un
temple égyptien faîte de deux blocs
trapézoïdaux, généralement décorés
de scènes mythologiques.
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Philaë :
allée et 1er
pylône décoré. |
Philaë :
entrée du temple. |
Tout à coté, le barrage
d'Assouan est impressionnant surtout par
sa longueur (près de 4 km). Mais son
intérêt a toujours été sujet à
caution. Le clou étant peut-être que,
en retenant les limons répandus
autrefois par les crues, il sera
totalement comblé avant la fin du
siècle. Nasser et lui auront quand même
permis le décollage industriel du pays
ainsi que de faire face à sa
démographie galopante. Pendant un temps,
et au pris de multiples et énormes
inconvénients que je n'ai pas envie de
développer ici.
Assouan était LA porte d'entrée pour le
commerce avec l'Afrique noire. Ivoire, or,
esclaves... pénétraient ainsi en
Égypte et rendaient la ville prospère.Dîner
et nuit à bord.
|
Vendredi 28 mai 1993 :
Assouan -50km-> Kom Ombo -60->
Edfou -50-> Esna. En descendant vers Kom
Ombo, nous profitons du spectacle le long
des rives, magnifique, au moins autant
que nous nous l'étions imaginé.
Le programme est à
peu près respecté pour l'instant. Je
rappelle que nous sommes 50 personnes (une
classe bigrement surchargée, quoi),
réparties sur 2 cars lors des excursions.
Arrivés à Kom Ombo,
nous allons visiter son double temple
dédié conjointement aux cultes des
dieux Sobek le crocodile et Haroëris à
tête de faucon. Le temple a d'ailleurs
été construit de façon parfaitement
symétrique. Au fond, un bas-relief
juxtapose une scène d'accouchement, qui
se faisait à l'époque assis pour
donner de la force à l'enfant, et
une collection d'appareils chirurgicaux.
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Kom Ombo :
Scène d'accouchement. |
Edfou : Bas-relief
de la barque sacrée. |
Après le déjeuner pris
à bord, nous voguons vers Edfou tous
ensemble (car plus on est
) pour
visiter le grand temple d'Horus, situé
en pleine ville et de dimensions et de
conservation remarquables. Sa
construction débuta vers 237 av. JC pour
s'achever 180 ans plus tard. Sur ses murs
sont mentionnés les détails des rituels
sacrés, comme si les prêtres avaient
voulu en transmettre les secrets pour l'éternité.
Une réplique de la barque sacrée
demeure dans une chapelle proche du
sanctuaire. Ces barques dîtes solaires
étaient utilisées par le souverain de
son vivant. Elles étaient enterrées à
coté de sa tombe afin de lui permettre
de faire son voyage céleste avec le dieu
du soleil.
Dans la liturgie de l'époque, la barque
sacrée était destinée à véhiculer la
statue du dieu, sortie de son sanctuaire
lors des processions des jours de fête.
La foule pouvait alors poser des
questions au dieu, qui répondait par l'intermédiaire
des prêtres porteurs.À
Edfou, plus on avance vers le fond du
temple, plus le plafond s'abaisse et le
sol se relève, de sorte que le
sanctuaire apparaisse sombre et
mystérieux. Le dieu Horus étant
associé au faucon, ce dernier est
omniprésent, avec deux statues de granit
noir à l'entrée ou par sa tête sur les
bas-reliefs.
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Edfou : La
réplique dans sa chapelle. |
Nous continuons vers Esna
et passons l'écluse de son pont-barrage.
Depuis la berge, quelques vendeurs
proposent des nappes à la file de
bateaux de croisière coincée dans l'écluse. Dîner
et nuit à bord.
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