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Carnet de croisière au pays des Pharaons (Égypte, 1993) - page 2/2
Samedi 29 mai 1993 : Esna --> Louxor (60 km).

Nous arrivons à Louxor en fin de matinée pour visiter ses temples ainsi que ceux de Karnak, sur la même rive mais légèrement plus éloigné du Nil et au Nord.
A quelques 500 km au sud du Caire, donc en haute Égypte, la ville de Thèbes fut la capitale de l'Égypte pendant le nouvel empire (1555 – 1070 av J.C. ; XVIIIème à XXème dynasties).
Pourquoi je vous parle de Thèbes, me direz-vous ? Tout simplement parce que Louxor et Karnak s'y trouvaient à l'époque en périphérie.
Thèbes donnera une place prédominante au dieu local Amon, dont le clergé aura un immense pouvoir. Amon sera vénéré à Karnak et chaque pharaon enrichira et agrandira le temple pendant deux millénaires, à tel point qu'il devint à lui seul une véritable cité.
Le site de Karnak, que nous visitons en premier, se divise en effet en trois enceintes distinctes : au sud, l'enceinte de Mout (la compagne d'Amon) est en cours d'exploration. Au nord la petite enceinte de Montou, Dieu guerrier prédécesseur d'Amon.
Et enfin au centre, l'enceinte d'Amon s'étend sur 123 ha et deux axes, Nord-Sud et Est-Ouest. Pour le visiteur lambda comme nous, ce qui caractérise surtout ce lieu, c'est la grande salle remplie de colonnes imposantes (134, mais nous ne nous sommes pas amusés à les compter) au milieu desquelles il se sent écrasé. Les exploits guerriers de Séti Ier et de Ramsès II y viennent enrichir les murs.
Au coin sud-ouest de l'enceinte, le portail d'Évergète s'ouvre sur le départ de l'allée des sphinx menant à Louxor. Des sphinx qui ont de ce coté-ci des têtes de bélier !

Les temples de Louxor étaient en effet reliés à ceux de Karnak par une allée de deux kilomètres environ, bordée de plus de 700 sphinx.
Nous aurions bien aimé rejoindre Louxor par cette allée comme il y a plus de 3000 ans.

Mais nous ne découvrons Louxor que depuis l'extrémité de son tronçon de l'allée des sphinx restant, environ 100 mètres devant le temple. De là, on aperçois tout de suite qui se détache, la pointe d'un obélisque à gauche de l'entrée étroite. C'est son frangin d'environ 25 mètres de haut qui trône sur la place de la concorde depuis 1836. A mesure que nous approchons, nous ne pouvons que l'admirer jouxtant les deux colosses de Ramsès II assis qui gardent l'entrée.
Commencé sous Aménophis III, poursuivi par Toutankhamon, le temple fut achevé par Ramsès II. C'est ce dernier qui fit légèrement dévier l’axe du temple vers l’est pour inclure un reposoir de barques de la reine Hatshepsout, de sorte que l’entrée du temple se trouve face à l’allée des Sphinx. Une fois l'an, la barque d'Amon était conduite en procession depuis Karnak à son 'Harem du sud' (Louxor), traversait la première cour, longeait la colonnade de Toutankhamon, parvenait à la cour d’Aménophis III, continuait par la salle hypostyle (salle couverte à colonnes, située entre un vestibule ou une cour et l'intérieur), pour être déposée enfin dans un naos précieux. Il ne reste plus qu'à faire un gros effort d'imagination pour se transporter à cette époque.
Sur un mur, je suis intrigué par une série de statues sexuées de babouins.

(Toutes les miniatures de 100p. peuvent être agrandies en cliquant dessus.)

Le sphinx est un être hybride à corps de lion
Louxor : Allée des Sphinx.

Avec la base de l'obélisque à gauche des colosses de Ramsès II assis
Louxor : Entrée du site.
Dimanche 30 mai 1993 : Louxor --> Denderah (50 km).

Le matin est consacré à la visite de la nécropole Thébaine. Nous nous arrêtons d'abord devant les 2 colosses de Memnon (on n'est pourtant pas certain qu'ils s'appelaient pareil !). Memnon était le nom d'un héros légendaire grec auquel l'un des deux colosses leur fit penser (je parle des grecs, réveillez-vous un peu, quoi). D'une hauteur de 18 m et taillés chacun dans un bloc de grès, ils étaient situés de part et d'autre d'un grand temple funéraire (aujourd'hui disparu) d’Aménophis III qu'ils représentent.

La vallée des rois fait aussi partie de la nécropole Thébaine. Du bus, nous ne distinguons que des trouées dans la colline, autant d'indications de tombes profondément creusées, malheureusement toutes pillées depuis belle lurette. Toutes ? Non ! Une tombe résistait encore et toujours à l'envahisseur, jusqu'à ce que Howard Carter et lord Carnavon ne la découvrissent en 1922, cachée sous les déblais d'une autre tombe. Vous avez bien sûr deviné qu'il s'agissait de celle de Toutânkhamon.

Retour au bateau pour midi et descente vers Denderah.

Lundi 31 mai 1993 : Denderah –(60 en car)-> Abydos –(30 en car)-> Nag Hammadi -90-> Sohag.

Les ruines de la ville de Dendérah se trouvent en bordure du désert. Le site est célèbre par son grand temple dédié à la déesse Hathor. Nous commençons donc ce matin par sa visite. La façade est constituée par six énormes colonnes réunies à mi-hauteur par des murs. Nous apprenons que le temple fut achevé par les empereurs romains, auxquels on doit la salle hypostyle (rappel : salle couverte à colonnes, située entre un vestibule ou une cour et l'intérieur). Celle-ci est soutenue par 24 colonnes. Sur son plafond est figurée la course journalière du soleil, celui-ci étant avalé le soir par la déesse Nout qui le (re)met au monde à l'aube.

Bien seuls au milieu de la plaine
Les colosses de Memnon.
Le long de la route, les murs des maisons sont étrangement décorés : les souvenirs marquants et les moyens de transport utilisés par la maisonnée qui a fait le pèlerinage à la Mecque, y sont richement représentés.

L'étape suivante est le temple funéraire d'Hatchepsout (non, je ne dirai pas à vos souhaits, c'est trop facile ; 1504 - 1483 av. JC). Adossé à une falaise escarpée, le temple de cette reine avec ses trois terrasses étagées nous impressionne par sa majesté. Le fait qu'il ait été rénové très récemment ne doit sûrement pas être étranger à cette impression.

Je crois que je préfère nos graffitis psychédéliques.
Les voyages à la Mecque.
Hatchepsout fut la seule reine à avoir gouverné l'Égypte avec les pleins pouvoirs.
Temple d'Hatchepsout.
Les tombes sont creusées parfois jusqu’à 200 m dans le massif calcaire
Nécropole Thébaine :
tombes dans la colline.

Dans une autre pièce, nous découvrons un zodiaque représenté sur le plafond. Il est tellement grand et le plafond si bas que je ne peux pas le prendre en entier avec mon caméscope. Mais il ne s'agit que d'une copie, l'original ayant été acquis par le musée du Louvre.

Je m'amuse à monter l'escalier à angles droits menant à la terrasse en filmant, refaisant ainsi le chemin parcouru par la statue d'Hathor lors de la procession du nouvel an, le 19 juillet, afin de renouveler son énergie au contact des rayons du soleil, son père Râ. Cet évènement annuel est d'ailleurs pleinement illustré sur les parois de ce même escalier.

Nous prenons ensuite le car pour traverser de vastes étendues de cannes à sucre jusqu'à Abydos, distant de 60 km. Ce qui nous fait faire un saut en arrière d'environ 1000 ans par rapport aux dernières édifications de Dendérah, datant de 200 av. JC. Nous voici revenus à l'époque de Séthi Ier (1303-1290), le père de Ramsès II.

Le site d'Abydos était le principal lieu de pèlerinage du dieu funéraire Osiris durant l'antiquité. En ce sens, on peut dire qu'Abydos était la cité des morts.

Sur un bas-relief, la fameuse table d'Abydos, on peut voir Séthi Ier montrant à son fils Ramsès II une succession de 76 cartouches, représentant tous les pharaons antérieurs depuis Ménes, sauf Akhenaton qui avait sans doute eu le tort de vénérer Aton au lieu de Amon! Il lui aurait pourtant suffi de ôter le t et de mettre à tâtons un m à la place du t ôté. Comment ça c'est pas clair ?

Dans le même vestibule se trouve représentée une vaste scène dépeignant Ramsès II et un de ses fils qui capturent un taureau au lasso. Plus loin, on peut voir Ramsès recevant la vie éternelle sous la forme de Ankh, la croix de vie. Dans les 7 sanctuaires consacrés à Osiris, Isis, Horus, Amon-Râ, Ptah, Harmakhis et Séthi Ier divinisé, les couleurs des bas-reliefs sont étonnamment bien conservées.

Nous reprenons le car, et au bout de 30km vers le Nil, nous trouvons le bateau à quai à Nag Hammadi, y déjeunons puis voguons jusqu'à Sohag.

Séthi Ier montrant à Ramsès II leurs prédécesseurs sur le trône.
La table d'Abydos.

Ramsès recevant la croix de vie.

Mardi 1 juin 1993 : Sohag --> Tell El Amarna.

Descente du Nil vers Tell El Amarna. Le Nora est maintenant escorté d'un zodiac avec 4 hommes armés. Au bout d'un moment, d'autres bateaux nous rejoignent pour naviguer en convoi. Serions-nous dans une zone sensible ? Les frères musulmans ne doivent pas être loin.

Frères musulmans : Nom d'une association politico-religieuse née en Égypte en 1927. Son but à l'origine était de lutter contre la domination anglaise sur l'Égypte et son influence jugée corruptrice. Le coté politique se résume au mot d'ordre : 'le coran est notre constitution'.

Depuis juillet 1992 le tourisme, source importante de devises en Égypte, est l'objet d'attentats islamistes. Comme les forces de sécurité égyptiennes réagissent souvent sans aucune mesure, une logique de vendetta s'est installée.

Les voiles des petits bateaux familiaux que nous doublons sont souvent pleines de trous. A se demander comment ces bateaux arrivent à avancer ! C'est sans doute pourquoi l'un d'entre eux à bâbord a remplacé la sienne par un tapis. À l'arrivée, nous déjeunons à bord.

Venons-en maintenant à notre visite de cet après-midi. Le pharaon Amenophis IV, plus connu sous le nom d'Akhenaton (le serviteur du globe Aton), fit construire Tell El Amarna pour en faire sa capitale. Il voulait ainsi prendre ses distances avec Thèbes et ses prêtres d'Amon au pouvoir jugé envahissant, pour fournir un cadre approprié au culte, plus ou moins exclusif, du dieu solaire Aton qu’il tenta d’imposer au pays. C'était donc aussi une décision politique.

A bord de bétaillères, on nous conduit jusqu'aux vestiges de Tell El Amarna qui n'en valaient guère le déplacement. La ville n'aurait servi que pendant une vingtaine d'années. A la mort du roi, les fonctionnaires et artisans rallièrent Thèbes. Et le jeune héritier Toutânkhaton fut rebaptisé non pas Toutânkharton mais Toutânkhamon.

Si le tombeau d'Akhenaton est bien sur le site, on ne trouva jamais la momie de 'l'hérétique'.

Retour au bateau à bord duquel nous passons la nuit.

Mercredi 2 juin 1993 : Tell El Amarna --> Tuna el Gebel -->

Nous partons ce matin en autocar pour aller visiter les ruines de la ville gréco-égyptienne Hermopolis, cité du dieu Thot, près d'Ashmouneim. Ainsi que sa nécropole à Tuna el Gebel, à 11 km de là.
A la nécropole, notre groupe s'extasie autour de la momie d'Isadora, jeune fille morte noyée en 120, si bien conservée que nous nous attardons à en étudier tous les détails à travers le verre protecteur. Elle doit se sentir bien isolée, au milieu des milliers de momies de babouins et d'Ibis, animaux sacrés de Thot.
Après le retour au bateau, situé dans une enceinte fortifiée gardée par une vingtaine de militaires, nous naviguons vers Beni Hassan. Nuit à bord.

Jeudi 3 juin 1993 : --> Beni Hassan -->

Nous arrivons petit à petit dans une zone plus habitée. Le Nil sert à tout, au lavage collectif du linge, au rafraîchissement du bétail, à son lavage par les gamins…


Scène paysanne le long du Nil : la noria.
Une nécropole chasse l'autre ; aujourd'hui, ce sera celle de Beni Hassan, 39 tombeaux creusés dans la falaise, qui sont ceux de puissants seigneurs féodaux de la moyenne Égypte.

Vendredi 4 juin 1993 : Beni Suef --> Le Caire.

Journée entière de navigation pour arriver au Caire.

Samedi 5 juin 1993 : Le Caire --> Paris.

Décollage vers 10h. Arrivée à 13h30 à l'aéroport Charles de Gaulle.

 
FIN
Épilogue : J'ai personnellement beaucoup apprécié ces deux semaines. Peut-être autant par la 'découverte' d'une civilisation ancestrale que par la descente le long des rives de la partie aval de l'un des 3 plus longs fleuves du monde, avec l'Amazone et le Mississipi-Missouri.

Remerciements à M. et Mme rené Prieur, mes parents, grâce auxquels ce voyage a été possible.

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