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Il décrit
quelques aspects de la vie des pygmées et des
caractéristiques d'une ancienne colonie
française d'Afrique. |
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Mardi 31 juillet
1984 : départ de Lyon.
Décollage de Lyon à midi sur un DC8 de
Point-Air, direction Bangui. Pour ceux
qui sont nuls en géo, comme moi, je
précise que cest en Centrafrique (RCA).
Vous me connaissez, je naime pas
beaucoup marcher et nai pourtant
rien dun mec maso. Et bien figurez-vous
que je suis parti pour une marche de
douze jours dans la 'grande forêt'
centrafricaine. Si si...
Arrivée à Bangui 6 heures après.
Transfert à lhôtel Indépendance
dans un 4x4 du Point de Mulhouse (un
organisme de voyage sympa et atypique,
maintenant connu sous le nom de Point-Afrique),
serrés à dix comme des poulets. |
CLIQUER
sur les photos miniatures. |
Le gardien de l'hôtel
à Bangui. |
Mercredi 1er
août 1984 : les préparatifs.
Rendez-vous ce matin au bureau du Point
où il sera difficile de former deux
groupes, lun de douze, assez 'sportif'
et devant tracer un chemin non reconnu. Lautre
de dix-huit, théoriquement plus facile.
Javais de suite choisi ce dernier
mais la plupart des gens étaient
visiblement venus là pour en chier.
On allège au maximum les sacs à dos et
on sen va faire des provisions au
marché. A midi, nous sommes au port pour
recevoir un superbe tampon et embarquer
sur un petit rafiot à moteur dune
dizaine de mètres.
On remonte lOubangui pour sarrêter
le soir près dun petit village et
planter les tentes autour de lécole
désaffectée, où du moins de la case
qui servait décole.
Au menu, deux gazelles achetées en
chemin dans un des nombreux villages qui
bordent le fleuve. Juste retour des
choses, nous figurons au menu des
moustiques. |
Jeudi 2 août 84
: remontée de lOubangui.
Oh ! le joli oiseau
pan ! du
premier coup : Philippe, notre guide
de Point-raid, le truffe de plomb. "
Cest un toucan ", nous dit-il,
et ça se mange. Ah bon ! Quelques âmes
sensibles étaient plutôt tristes, sur
le bateau. Arrêt à Zinga, poste
contrôle avant la frontière, le temps dune
bonne petite bière dans le bistrot du
coin.
Nous quittons ensuite lOubangui
pour remonter un de ses affluents, la
Loubaye. Les villages se font plus rares
et leau un peu moins polluée. Cest
cette eau boueuse et dune couleur
bien brune que nous utilisons pour le
thé ou faire cuire les nouilles ou tout
simplement boire à condition cette fois
de lavoir désinfectée. |
Les rives du fleuve
Oubangui. |
Déplumage. |
Vendredi 3 août
84 : remontée de la
Loubaye.
3ème jour de rivière et on
commence à avoir mal aux fesses. Le midi,
arrêt dans un petit village où lon
prend un bon bain et où lon
achète un canard, mais le plus marrant cest
pour lattraper. Nous pensons tout
de suite à lhistoire de Robert
Lamoureux.
Nous arrivons enfin au terme de notre
périple fluvial, dans le village Pomboko,
point de départ dune marche de
quatre jours. Louis-Marie, notre 'motoriste'
va rester nous attendre et garder le
bateau. |
Samedi 4 août 84
: premier jour de forêt.
Inspection de détail pour le poids des
sacs à dos. Nous nemmenons que lindispensable,
car il faut pas oublier que nous avons
également les tentes à transporter. Moi,
jai une tente pour moi tout seul, cest
plus lourd mais jai toutes mes
aises la nuit.
Philippe choisit quatre porteurs du
village parmi ceux qui sétaient
présentés ce matin. Ils porteront
chacun un maximum de 20 kilos, de bouffe
principalement, et allant bien sûr en samenuisant.
Un pygmée fait aussi partie du voyage.
Au début, on ne savait pas que cen
était un car il est encore plus grand
que les autres. Cest peut-être
pour cela quil est le chef du
village ? Lui portera le fusil, car les
pygmées, cest bien connu, sont des
chasseurs hors pairs. |
Notre bateau bien
nommé. |
Retour de chasse |
Le fait demmener un
pygmée, fût-il chef, nest pas du
goût des porteurs, car ils seront
traités tous sur un plan dégalité
vis-à-vis de nous. Or, dans leur vie de
tous les jours, cest loin dêtre
le cas. En fait, les pygmées sont
traités en véritables esclaves par les
villageois, accomplissant toutes les
tâches ménagères, les travaux dans les
champs, la chasse, la pêche, enfin tout.
En échange, ils reçoivent nourriture et
quelques babioles (ustensiles de cuisine,
métal pour leurs machettes, etc.). Cest
dailleurs la seule cause qui
pourrait expliquer leur état de
complète dépendance : leur manque
de métal. Sinon, ce sont des gens fiers
et sur qui lon peut compter. Tout
cela me rappelait un reportage vu à la
télévision où lon voyait deux
villageois se traîner en procès pour la
possession dun pygmée. Il semble
difficile de changer cette situation, car
elle dure depuis des temps immémoriaux.
Voilà cest parti, nous serrons les
dernières mains en traversant le village
et nous nous engageons en file indienne,
encadrés par les porteurs, sur un
sentier dabord assez dégagé, mais
qui deviendra vite encombré de racines,
lianes et troncs darbres. |
La vie des
villageois est
simple. |
En file indienne. |
Il nous arrive aussi de
traverser quelques cours d'eau. Lallure,
très soutenue la première heure, sen
ressent. Nous faisons une pause toutes
les heures à peu près et Philippe prend
parfois le temps de nous montrer ici un
fruit bizarre, ici un drôle darbre,
là un piège de chasseur.
Il nous avait aussi prévenu que si nous
étions venus ici pour voir des
éléphants, des antilopes et autres
panthères, nous en serions pour nos
frais, car avec notre légèreté
proverbiale, il ny avait plus un
mammifère vivant sur un rayon de trois
kilomètres. |
Traversée d'un
gué |
Un piège. |
Quant aux serpents, ils
sont paraît-il peu nombreux, et les
sangsues inexistantes. Nous avons
beaucoup de mal à nous imaginer que des
éléphants ou des gorilles puissent
vivre là-dedans alors que nous avions
toutes les peines du monde à y
progresser. La première journée, cest
pour la mise en train : trois petites
heures de marche seulement pour sarrêter
dans une clairière refuge pour chasseurs,
près dun village pygmée.
Le temps dun bon bain dans le
ruisseau avoisinant où lon se
prend pour Tarzan, et notre chasseur
revient avec deux singes sous le bras,
dont un petit encore vivant, blessé
seulement à la patte, lautre
étant certainement sa mère. Cris de ces
dames qui ne supportent pas le spectacle
et surtout que les porteurs samusent
avec le petit. Incompréhension totale de
ces derniers, la notion de douleur
animale leur étant complètement
étrangère. Philippe clos le débat en
demandant à un porteur de lachever
(le singe, pas Philippe).
Après le ragoût de toucan et de canard
dhier, nous avons droit ce soir à
un ragoût de singe bien relevé,
histoire demmerder nos amibes. Ce
sont les porteurs qui soccupent du
feu et dune grande partie de la
tambouille. Nos réserves de pastis et de
bière sont épuisées, cest la
galère. |
Un autre gué |
Merde, pas de lave
linge ici ! |
Philippe nous avait
conseillé de porter un short pour la
marche, à cause des fourmis. En effet,
celles-ci remontent très rapidement le
long des jambes et il nest pas
facile daller les chercher sous un
pantalon. Or, elles sont dune
taille non négligeable et quand elles
vous enfoncent leur mandibule dans la
chair, vous le sentez passer. Il nous
avait cité le cas dun porteur qui,
complètement saoul, endormi au pied dun
arbre, sest vu recouvert par les
fourmis et attaqué à mort. Tout cela nétait
pas fait pour nous rassurer, surtout
lorsquil ajouta quil nétait
pas rare que des tentes soient
traversées par des colonnes de fourmis
et que dans ces cas-là, il valait mieux
sortir vite fait. Cétait paraît-il
arrivé deux fois lors de la dernière
expédition. Cest avec ce genre de
pensées à lesprit que nous
cherchâmes le sommeil. Au moment de se
coucher, deux retardataires découvrent
quelques malheureuses fourmis dans leur
tente et poussent de hauts cris. Elles
refusent dy passer la nuit. Lune
delle va essayer de se draguer
Philippe sous sa moustiquaire et lautre
me demandera de lhéberger. Et tout
le monde de se rendormir paisiblement. Quand,
à une heure indéterminée, un cri
absolument effrayant déchire la nuit,
suivi immédiatement dun deuxième,
de terreur absolue. Je ne peux pas
exactement savoir leffet que cela a
produit sur les autres mais, quant à moi,
je peux vous dire que mon taux dadrénaline
a fait un sacré bond. Tout y est passé,
dans ma tête : attaque de guerriers,
les fourmis bien sûr, dautres
bestioles immondes et jen passe. Je
sautais sur ma lampe de poche et étais
bien décidé à défendre chèrement ma
vie.
Et puis on entend une voix indignée :
"Mais y a rien ! ". Nous
saurons seulement au matin ce qui sétait
véritablement passé : La môme
Véronique ayant fait un cauchemar, elle
se jeta sur son mari en poussant un grand
cri. Celui-ci, croyant être attaqué par
un singe, a eu la frayeur de sa vie.
Après une telle angoisse, nous avons
tous mis un certain temps à nous
rendormir.
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Pêche en eau
trouble. |
Préparation du dinner. |
Le web africain. |
Une forêt parfois
inextricable. |
Dimanche 5 août
84 : second jour de forêt.
La forêt sépaissit de plus en
plus, le soleil ne pénètre pas jusquà
nous, ce qui rend la chaleur supportable
mais par contre lhumidité est
totale et rend la respiration difficile.
Toutes nos affaires sont trempées et cest
encore sur soi quelles arrivent à
sécher un peu par la chaleur du corps.
La pluie tombe vers les quatorze-quinze
heures, mais cela ne nous a pas beaucoup
gêné jusquà présent.Il
arrive que lon croise quelques
pygmées et cest la cérémonie
habituelle de secouage des
mains, comme disent les Anglais. Ce nest
pas la première fois quils voient
des blancs, le circuit du Point étant
passé plusieurs fois par cet itinéraire,
mais on sent tout de même une certaine
curiosité à notre égard, qui na
dégale que la nôtre, dailleurs.
Cinq heures de marche et nous nous
installons près de la même rivière quhier,
avec un petit abri également. Petit bain
en tenue dAdam et Eve et de nouveau
du singe à becqueter.
Philippe nous dit quil sera
possible à deux dentre nous daller
à la chasse avec Jean ( le pygmée)
cette nuit. Je proposais alors de tirer
au sort entre les personnes intéressées.
Mais il suffira dattendre que je
sois parti à lécart pour que
certains en décident autrement.
Il est à noter que depuis un certain
temps, une espèce de kabbale de cinq
personnes sest formée, contre cinq
autres dont je fais parti, sans savoir
pourquoi.
Cela a commencé par des conversations
avec le langage des mains entre deux 'éducatrices'
de sourds-muets, afin de dénigrer telle
ou telle personne. Malheureusement pour
elles, une des personnes visées
connaissait aussi ce langage. Puis on ne
parle plus avec les mains, mais en
aparté, chuchotements à loreille,
suivis de regards moqueurs, concertations
autour du feu lorsque les autres sont
couchés, on fait mine de ne pas entendre
lorsque lon vous adresse la parole,
on refuse obstinément de rire lorsque je
sors une bonne blague. Puis les derniers
jours, on devient plus méchant et on
contre systématiquement toutes les
propositions ou affirmations. Bref on se
prend pas pour un con. Au début, je mamusais
dun tel infantilisme ( et dire que
deux de ces personnes ont près de 40 ans
!), mais à la fin cela devenait
insupportable et jétais obligé de
me fâcher. Javais vraiment envie den
prendre un pour taper sur lautre, dautant
que je nétais plus que tout seul
pour les contrer. Quant aux personnes non
concernées, elles respectaient une
espèce de neutralité et se repliaient
plutôt sur leur couple.
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Image de cauchemar. |
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Vers vingt heures, après
des adieux émouvants, deux gars partent
donc à la chasse derrière le pygmée.
Ils ne reviendront quà quatre
heures du matin ! Le principe en est
simple : le pygmée Jean se fixe une
lampe de poche sur le front, le faisceau
dirigé sur la ligne de son regard ;
les deux apprentis-chasseurs le suivent
avec leur lampe devant leurs pieds,
essayant de faire le moins de bruit
possible. Lorsque Jean a flairé quelque
chose, il savance seul, fait signe
aux autres de se rapprocher, éclaire la
bête (on ne voit alors que deux yeux)
puis éteint. Il prépare alors son fusil,
puis rallume. La bête est toujours là,
ayant sans doute eu du mal à se
réhabituer à lobscurité. Il ne
reste plus quà tirer, ce qui nest
pas si facile car on ne sait pas de quel
côté est le corps par rapport aux deux
yeux. Cest ainsi que Jean rate ses
deux premières gazelles. Et il nest
pas content du tout, Jean ! Il a sa
fierté et son honneur de chasseur à
défendre, face à deux étrangers. |
Un de nos 2
apprenti-chasseurs. |
Jean est à gauche. |
Alors, il se livre à détranges
cérémonies, arrachant des branchages et
fouettant son fusil, puis se fustigeant
lui-même tout en marmonnant quelque
chose. Cest apparemment les seuls
signes dun semblant de religion quon
leur connaisse. Il ne veut rentrer
bredouille et il faudra attendre quatre
heures du matin pour quil sestime
satisfait avec deux gazelles abattues.
Jean connaît la forêt comme sa poche,
coupant dun sentier à lautre
et marchant sans regarder par terre. Ils
traverseront deux villages pygmées,
réveillant tout le monde dans le premier
pour faire une petite fête improvisée. |
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PYGMEES
: Vivants dans la forêt
équatoriale, les pygmées sont
dispersés entre la République
centrafricaine, le Cameroun, le Gabon, le
Congo, le Zaïre (ancien Congo belge puis
'République Démocratique du Congo'
depuis 1997) et le Rwanda à l'Est : |
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Pygmée vient du grec
pugmaios signifiant 'haut d'une coudée'.
Peuple de chasseurs-cueilleurs nomades,
leur nombre est évalué à plus de 150
000. Leurs moeurs sexuelles sont libres.
Menés par leur meilleur chasseur, les
pygmées chassent en groupe, à l'arc ou
au filet.
Du fait de la disparition progressive de
la forêt au profit de l'agriculture,
ainsi que du besoin des pygmées en
métaux et en denrées comme le sel, ils
sont amenés à s'approcher des
villageois agriculteurs pour faire du
troc avec ceux-ci. Villageois qui
profitent très largement de la situation. |
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