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NOTE : Les phrases en
italique et les notes ont été ajoutées au
carnet original. |
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précédente (Moscou, Irkoutsk) |
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Vendredi
20 juillet : Baïkal, le lac
antédiluvien (640 km de
long, 530 m d'altitude).
Nous avons revu Natacha ce matin et lui
avons offert un petit flacon de parfum,
ainsi que tous nos vux de bonheur
étant donné qu'elle se marrie dans deux
jours. Notre guide de la journée se
présente comme une amie de Natacha. Elle
est mignonne comme le soleil levant sur
le lac Baïkal et c'est justement là où
nous allons. Après une heure de route,
nous sommes en vue du plus ancien lac au
monde. 80% des espèces de la flore et de
la faune qui entourent ce lac sont
inexistants ailleurs.
Une théorie avance que ces espèces
étaient réparties auparavant sur le
globe mais qu'elles n'ont subsisté qu'ici.
A part ça, le lac est plutôt terne. |
(Toutes les miniatures
peuvent être agrandies en cliquant
dessus.)
Deux sirènes
sorties du lac Baïkal.
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Trois voitures
diplomatiques sont garées devant le
petit hall d'exposition, nous faisant
attendre pour rien, car il n'y avait pas
grand chose à voir. La guide nous
annonce alors qu'il est midi et qu'il
faudrait peut-être penser à manger.
Elle s'occupe de la réservation. Étant
donné le prix élevé de l'excursion (400FF)
et la manière de faire, nous sommes
persuadés que le déjeuner est compris.
Nous mangeons alors comme des goinfres,
en particulier un poisson fameux du lac (pas
fameux au goût, cela ressemble plutôt
à du hareng, mais c'est une spécialité
d'ici).
Lors de notre promenade digestive dans la
taïga, la guide nous pose plein de
questions sur notre mode de vie. Elle
nous confie qu'elle n'est pas communiste,
au contraire de Natacha, qu'elle n'a pas
l'air de beaucoup apprécier. D'ailleurs
elle n'aime pas grand monde : nous avons
le droit à un débit d'âneries sur les Polonais,
les Américains, les Japonais et les
Juifs. Mais ce qu'elle déteste par-dessus
tout, c'est le travail dans les kolkhozes,
obligatoire pour la jeunesse en septembre.
Et septembre, c'est bientôt. Elle se dit
tout à fait étonnée par le prix que
nous payons à Intourist. Une chambre que
nous payons 40 roubles par exemple, est
à 5 roubles pour les Russes. Étonnée
aussi par les difficultés que nous
rencontrons, interdits, obtentions de
visas, etc.
Le soir, en nous promenant le long de la
rivière non loin de l'hôtel, nous nous
faisons aborder par des jeunes qui
veulent nous acheter nos jeans. |
Ce n'est pas la première
fois que cela arrive. A Moscou, nous
avions répondu que nous pouvions
difficilement traverser la Sibérie en
slip. Mais cette fois-ci, nous avons
envie de laisser faire. Retour à l'hôtel
pour y chercher quelques trucs vendables
et les tractations peuvent commencer dans
un petit chemin bordé d'arbres.
J'annonce d'abord la couleur : "pas
de dollars, je ne veux que des roubles".
Nous, nous ne savons pas trop ce que nous
risquons, mais eux ont l'air de le savoir : deux
comparses surveillent les alentours
pendant que le troisième ne perd pas de
temps en subtilités : payement cash et
sans discuter. 25 roubles
pour un vieux jean crado à Anne-Marie et
20 roubles (140FF) pour une petite veste
en jean que j'avais acheté $3 (15FF) aux
U.S..
Quelques autres petites babioles aussi,
qui donneront à certains tovaritchs le
sentiment d'exister. Nous apprendrons par
la suite qu'un jean se vend ici dans les
150 roubles (1000FF), c'est-à-dire
plusieurs mois de salaire. Si nous l'avions
su à ce moment-là, nous aurions fait
grimper les prix.Au cours du
Pléistocène (quaternaire inférieur),
les mammouths ainsi que les hommes
préhistoriques ont pu occuper et même
traverser les plaines côtières et
migrer dun continent à lautre.
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Un drôle de
spécimen trône à l'entrée d'un
batiment officiel.
Quel morceau !J'avais dit les
miniatures !
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Samedi
21 au Lundi 23 juillet : Le far East.
Aujourd'hui, le train n'a que 10 heures
de retard.
Encore 3 jours à ferrovier (ne cherchez
pas dans le dictionnaire, c'est un mot
que je viens d'inventer), mais cette fois-ci,
nous pouvons manger à profusion car nous
avons trop de roubles. Il y a semble-t-il
une règle dans la répartition des
denrées du train : priorité aux groupes
de touristes, puis aux touristes
individuels. Les Russes de base ont toute
latitude pour se partager les miettes.
Mais bonne nouvelle, le restaurant semble
avoir été réapprovisionné à Irkoutsk.
Vin russe, caviar à la louche, gâteaux,
chocolats, nous ne nous privons de rien. Le
paysage change. La voie longe la rive sud
du lac Baïkal puis une mignonne petite
vallée le lendemain. Nous sommes à
portée de lance-pierres de la Chine. Le
fleuve Amour, frontière entre les deux
pays, n'est qu'à quelques kilomètres.
Pourvu qu'il n'y ait pas d'incident de
frontière, courant dans cette zone
sensible.
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Le transsibérien vu du transsibérien. |
Le dimanche soir, un
couple d'américains vient dormir dans
notre compartiment, fuyant ainsi un
suédois très malade dans le leur. Au
matin, une maman russe, accompagnée de
son garçon de 10 ans et de son dernier
rejeton, vient prendre possession (et c'est
le mot juste) des 2 couchettes en face.
Communication difficile et visiblement
pas très désirée. Qu'à cela ne tienne,
nous ferons la fête avec force chansons
en compagnie des suisses, des allemandes
et d'un norvégien, jusqu'à une heure du
matin. |
A quelques
kilomètres de la Chine.
Enfin un peu de vie, le long d'une
rivière ! |
Mardi
24 juillet : Khabarovsk. (du
nom d'un explorateur du XVIIème,
la ville fut fondée au milieu du XIXème
sur les rives du fleuve
Amour, au confluent de l'Oussouri.)
Un vent de révolte souffle ce matin. La
chef du wagon, d'une pilosité
surprenante, nous annonce que le prix des
thés servis était d'un rouble chacun,
et d'une façon plutôt arrogante. Nous
lui apportons alors notre version de la
facture du groupe, basée sur le prix
payé jusqu'ici, et accompagnée de la
somme. Elle ne bronche pas d'un poil mais
se vengera comme elle pourra jusqu'à l'arrivée.
De toute façon, Anne-Marie avait déjà
piqué deux tasses à thé à sa barbe.
Nous
faisons plus ample connaissance avec
Monsieur Schmitt, un homme on ne peut
plus singulier. Juif, il a réchappé des
camps nazis. Homme d'influence, il a
été responsable des langues à l'Unesco.
Linguiste, il détient le record du
nombre de langues (Nous
avons pu le vérifier dans le livre des
records en rentrant), ayant
étudié environ 80 langues, en parlant
couramment une quarantaine. Aujourd'hui
à la retraite, c'est le parfait globe-trotter.
En ce moment, le transsibérien laissant
de longues heures de loisir, il
entreprend l'étude d'une quelconque
langue chinoise ou mongole, je ne sais
plus. Entre deux voyages, il habite à
Strasbourg, nous nous promettons de nous
y revoir. En
tout cas, c'est bien pratique d'avoir
parmi nous quelqu'un qui parle russe. Il
le parle même beaucoup trop bien, cela
paraît suspect aux yeux de certains
russes, qui le regardent bizarrement. Et
si c'était un espion ?
Nous devions arriver à Khabarovsk dans
la nuit, et Intourist nous avait obligé
à réserver une chambre d'hôtel, même
si c'était pour dormir deux heures. Mais
étant donné que nous sommes arrivés
finalement à 11h du matin, nous avons pu
nous la faire rembourser, moins 25% de
frais d'annulation, 'bien entendu'. M.
Schmitt avait des tickets de chambre dont
il ne savait que faire. C'est ainsi que
nous avons pu faire un brin de toilette,
en attendant nos bagages qui, embarqués
à la gare, avaient fait la valise
pendant deux heures.
L'excursion dans la ville, devenue
coutumière, nous a surtout étonnée par
la flopée de militaires y déambulant :
gare au péril jaune. |
Mercredi 25 au Vendredi
27 juillet : La mer du Japon
Nous arrivons dans la matinée à notre
terminus de Nakhodka (avant-port de Vladivostok), qui
se trouve légèrement au sud-est du port
militaire à l'accès réglementé. Nous
avons parcouru 7600 km depuis Moscou,
traversé 10 fuseaux horaires.
Au port, où l'on nous emmène par le bus,
les dernières queues (elles vont
maintenant nous manquer) pour le
passeport, la douane, le change. J'avais
remis quelques roubles à un français
pour qu'il les change à ma place. Il
aurait pu paraître en effet suspect de n'avoir
dépensé en tout et pour tout que 3
roubles pour traverser le continent! Mais
rouble, ça vient bien de roublard, non ?
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Embarquement à l'avant-port
de Vladivostok.
Voguons vers le pays du soleil levant,
juste en face. |
Il est vrai que nous
avions fait quelques achats directement
en devises. Par exemple dans ces magasins
d'état pour les étrangers (et pour la
nomenklatura, je suppose), où l'on peut
payer avec tout ce qu'on veut, sauf des
roubles. C'est certain, ces magasins sont
bien remplis, mais n'offrent pas grand
chose d'intéressant, à notre goût du
moins. Et puis, quel déplorable exemple
pour un système qui se dit égalitaire. |
Nous posons le pied sur
le bateau et nous nous disons : "
Cela y est, nos ennuis avec ce pays sont
finis". Tous finis ? Pas sûr, car
il s'agit toujours d'un bateau russe.
Donc nouvelle queue dans la salle de
musique, pour l'enregistrement. La
cargaison est on ne peut plus
internationale. Nous partageons notre
cabine avec une allemande et un japonais.
Celui-ci se présente d'une manière
typique, en tendant sa carte de visite,
puis en inclinant légèrement le corps
en avant (Plus l'interlocuteur
est important, plus l'inclinaison doit
être marquée, jusqu'à être
pratiquement à angle droit, face à l'empereur
par exemple). Nous apprenons
ainsi qu'il travaille dans les transports.
Tout le monde est sur le pont en ce
début d'après-midi. De grands damiers
sont dessinés sur le sol. Anne-Marie
fait une partie de dame géante avec un
russe. Je fais de même avec un autre
russe, aux échecs cette fois. |
J'ai les blancs,
mais cela ne m'aide pas beaucoup.
Les russes sont vraiment les plus forts ! |
Les pièces nous arrivant
au nombril, il n'est pas très facile d'avoir
une vision globale du jeu. Évidemment,
le Russe gagne : les échecs étant leur
sport national, je ne voulais pas créer
un incident diplomatique !
Le ciel, assez noirâtre au moment de l'appareillage,
est maintenant franchement menaçant.
Vers 16h, le bateau commence à tanguer
et rouler sérieusement. Les rampes de
coursives se garnissent de petits pochons
de papier. Aucun problème au dîner pour
avoir de la place au restaurant, nous
sommes pratiquement les seuls, les autres
sont malades. Nous ne résisterons pas
beaucoup plus longtemps. J'en serai
quitte pour deux ou trois séances d'appâtage
aux maquereaux, mais je voyais Anne-Marie
bientôt recracher ses boyaux. Nous
restons un peu sur le pont à l'abri
avant de tenter d'aller dormir en se
soutenant l'un l'autre. |
Je veux voir tout
le monde sur le pont.
Une petite photo souvenir avant la
séparation. |
Au petit jour, le calme
étant revenu, nous pouvons savourer
notre petit déjeuner. Films et spectacle
donné par les membres de l'équipage
nous aident à passer la journée.
Le matin du troisième jour, le Japonais
de notre cabine nous initie aux rudiments
de sa langue. Nous avions déjà eu le
temps de progresser à l'aide de notre 'Japonese's
teach yourself book', mais rien ne vaut
un tel cours pour la diction. Cela ne
suffira sans doute pas pour nous faire
comprendre. Cette foutue langue est
vraiment tordue. Et en plus, ils
utilisent trois alphabets différents!
Nous nous contenterons du kana, qui
associe un signe à chaque phonème (ki,
ka, ke, ko, ku...). Et puis les Japonais
parlent l'anglais couramment, pensons-nous,
ce en quoi nous faisons une lourde erreur,
nous nous en apercevrons vite. Le temps d'une
dernière partie d'échec (perdue
également), et nous pénétrons dans la
baie de Tokyo. La chaleur est devenue
très humide. Il fait noir au-dessus de
cette mégalopole de 30 millions d'habitants.
Comment peut-on penser qu'il s'agit de l'empire
du soleil levant ! Voilà, le voyage
organisé s'achève. Il ne nous reste
plus qu'à arpenter l'autre moitié de la
planète par nos propres moyens, à
commencer par nous trouver à loger cette
nuit. Mais ceci est une autre histoire...
(que je vous
conterai peut-être un jour). |
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FIN |
NOTES :
kolkhoze ou Kolkhoz,
abréviation en russe de 'exploitation
collective' : les
kolkhozes sont des fermes collectives ou
coopératives, gérées par un bureau
élu par leurs membres. Ceux-ci ont le
droit de posséder individuellement
maison, jardin, basse-cour. Il y avait
environ 26 000 kolkhozes en 1981 (11% de
la population). Ils fournissaient 60% des
productions agricoles. Il existait
plusieurs types de Kolkhoze, selon
leur degré de socialisation (T.O.Z.,
artel, commune).
- A ne pas confondre avec les sovkhoz,
abréviation en russe de 'entreprise
soviétique', qui sont des
exploitations agricoles appartenant à l'état.
Son directeur est nommé par l'état.
Environ deux fois plus grands qu'un
kolkhoze. Il y avait environ 22 000
sovkhozes en 1981 (9% de la population).
En tant que travailleur de l'état, un
sovkhozien bénéficiait d'un salaire
minimum garanti, de la sécurité sociale
et d'une pension de vieillesse, tous
droits qui n'ont été accordés aux
kolkhoziens qu'à partir de 1967.
- Il est important de noter que la
majorité des surfaces labourées en URSS
sont considérées risquées, à cause du
climat (contre 1% aux Etats-Unis).
- Les 16 millions de jardins privés
représentaient, avec leur demi-hectare
en moyenne, moins de 1% des surfaces
exploitées.
- Les citadins étaient autorisés à
exploiter des lopins avec au maximum 20
poulets, 5 lapins et 5 ruches. (extrait
du Quid 1985). Retour
sur kolkhozes
Roubles : Un rouble valait 7 FF en 1979,
soit autour de 20 FF valeur 96. Salaire
mensuel des ouvriers et employés : 172
roubles. Des kolkhoziens : 120 roubles (chiffres
1981). Retour sur roubles
M. Schmitt
: Ce que nous ferons quelques
mois plus tard. Son minuscule appartement
est... une bibliothèque. Des rayons et
des rayons de livres, rien d'autre. Si,
un matelas par terre. Il avait su chasser
tout ce qu'il estimait n'être pas
essentiel. Il n'était pas d'un
tempérament facile, supportant mal la
contradiction. Anne-Marie m'a appris son
décès en 1997. Retour sur M.
Schmitt.
Vladivostok
: signifie 'dominateur de l'orient'. La
plus importante des villes russes en
Extrême-Orient abrite un port de guerre
depuis 1872. Retour sur
Vladivostok
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BIBLIOGRAPHIE
:
* Le passé d'une illusion, de
François Furet. Essai sur l'idée
communiste au XXème siècle. Chez R.Laffont
/ Calmann-Lévy / 1995. Un ouvrage de
référence comme synthèse historique.
* Jugement à Moscou, de Vladimir
Boukovsky. Un dissident dans les
archives du Kremlin. Chez R.Laffont/1995.
* Rue du prolétaire rouge, de Nina et
Jean Kéhayan. Deux communistes
français en U.R.S.S. Ce professeur de
russe et cette journaliste donnent un
témoignage sur la vie quotidienne à
Moscou de 1972 à 1974. Ouvrage qualifié
de faux abominable par l'Agence
soviétique Tass. Chez Point/Actuels.
* Hommage à la Catalogne, de George
Orwell. Une confrontation avec le
communisme, vécue par l'auteur de '1984'.
Aux éditions Ivréa.
* Les abus psychiatriques en U.R.S.S.,
rapport d'Amnesty International de
janvier 79.
* Sur un autre plan, une bonne partie de
l'oeuvre d'Hannah Arendt, à
commencer par 'Les Origines du
totalitarisme (1951)'
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