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Carnet de voyage au Japon 2/4 (été 1979)
Les phrases en italique et les notes ont été ajoutées au carnet original.
   
Jeudi 2 août : Train pour Nikko.

Ce matin, nous partons à la gare d’Asakusa pour y prendre le train de Nikko. Nous avions pu laisser pas mal d’affaires à l’English house pour n’emporter que mon sac à dos et un sac bleu. Deux heures de train. Nous arrivons dans une région assez montagneuse et en plein orage. Les auberges de jeunesse sont pleines. Il nous reste le camping.

Nous en atteignons un assez difficilement en stop ; il est à environ quarante cinq minutes de marche du centre de Nikko. Il faut dire que nous ignorions que le pouce levé soit un signe inconnu au Japon ; il utilisent l'index tendu, je crois. Il s'agit d'une auberge qui fait en même temps camping. La communication est très difficile avec les gens de l'auberge, cela énerve d’autant plus Anne-Marie dont la tension ne fait que monter. Nous plantons quand même la tente et mangeons nos restes de conserves. Pour la première nuit sous la tente, tout le monde dort bien.

Vendredi 3 août : Visite de Nikko (voir le plan).

Nous descendons en stop au centre de Nikko, passons un moment à la poste et allons finalement visiter ce fameux sanctuaire Tôshôgu, but principal de notre visite à Nikko. Nous passons toute la journée sur le site car c’est assez magnifique, sans pouvoir d’ailleurs tout voir. Pas de très beaux jardins, mais des sculptures et des couleurs magnifiques. Une cinquantaine d’édifices disposés harmonieusement dans un environnement d’arbres majestueux, la plupart étant de gigantesques cyprès japonais dont le microclimat dû à l'altitude aurait favorisé la croissance.

Vers le sanctuaire Tôshôgu.
Une partie du site.
Mais les monuments, par leurs sculptures excessivement détaillées, leurs formes baroques à la chinoise, leur éclat et leur opulence, sont aussi peu que possible dans le style japonais. Ils sont en fait consacrés à la gloire du fondateur de la dynastie la plus ferme du Japon : Ieyasu (17ème siècle).

Certaines photos ont été prises lors d'un déplacement professionnel au Japon en hiver 1993. J'avais conservé un tel souvenir de Nikko 14 ans plus tôt (en 1979), que j'avais proposé aux collègues de nous y rendre pendant le Week end. Je vous laisse deviner lesquelles (les photos), mais n'envoyez pas de SMS, il n'y a rien à gagner !

Lourd, lourd !
La porteYomeimon.
Nikko est l’endroit le plus visité de tout le Japon, avant même Kyôtô, paraît-il. A la fois un endroit saint, et un gouffre à yens : un ‘Lourdes’ japonais, quoi. Nous y rencontrons les deux français du transsibérien que nous avions déjà rencontré à Tokyo ; c’est tout petit finalement le Japon !

Rappel : toutes les miniatures peuvent être agrandies en cliquant dessus.

Toit, toit, mon toit... c'est vraiment toi ! Avec la neige, c'est encore plus lourd.
Détails et vue sous la neige.
Les 3 singes de la sagesse (et du bonheur) sont représentés sur la porte de l'étable sacrée (revoir le plan) : Kikazaru, Iwazaru et Mizaru (le sourd,  le muet et l'aveugle). Ils signifient selon la secte bouddhique originelle Tendai que le mal épargnera toute personne qui respectera les 3 règles suivantes : ne pas dire ce qu'il ne faut pas dire, ne pas voir ce qu'il ne faut pas voir, et ne pas entendre ce qu'il ne faut pas entendre.
Ces conseils ont fait le tour du monde.
Les 3 singes.
Si le sanctuaire Tôshôgu devint shintoïste avec le début de l'ère Meiji (1868-1912), le reste du site garda le bouddhisme.

Cela demande explication, et bien que je sois loin d'être un expert, je vais m'y essayer si vous le permettez ( ...Personne ne bronche?, bon alors on y va) :

Antérieurement à l'introduction du bouddhisme par des milieux dirigeants au VIème siècle, le Japon ne connaissait que le shintoïsme, qualifié rétrospectivement de 'primitif'. Celui-ci présentait un panthéon et une mythologie bien constitués mais restait une religion à la doctrine faiblement structurée. Il faudra attendre l'année 712 pour voir paraître le premier livre du Kojiki, une sorte de genèse du Japon et de ses dieux, dont la généalogie est établie depuis les dieux originaux jusqu’aux ancêtres immédiats de la dynastie royale. L’opération est explicitement destinée à établir les droits héréditaires de la dynastie. Néanmoins, Bouddhisme et Shintoïsme se développèrent et prospèrent harmonieusement, jusqu'à ce qu'à la fin du XIXème siècle, l'histoire politique et militaire (tant intérieure qu'extérieure) du Japon amena alors celui-ci à développer une idéologie nationaliste centrée sur les dieux du pays et le culte de l'empereur, autrement dit sur un shintoïsme pur et dur. Le terme même de Kami-kazé (vent divin) en est une illustration. On sait comment cela a fini !


Portiques en bois présents à l'entrée des sanctuaires japonais.

Vachement impressionnant !
Gardiens, divinités ou esprits du monde naturel ? des Kami ?

Malgré la séparation du shintô et de l’état ordonnée en décembre 1945, une tentation nationaliste revancharde réapparaît aujourd'hui au sommet de l'état. Mais ce n'est pas le sujet ici. De nos jours, adeptes du Bouddhisme et du Shintoïsme sont en quantités sensiblement égales au Japon, quand ils ne sont pas bi-croyants.

Après nous en être mis plein les mirettes, retour au camping sous une pluie torrentielle.

My God !
Pagode à étages et moine.
Samedi 4 août 79 : Journée excursion.

Nous décidons d’aller au lac Chuzenji pour voir un peu de quoi il a l’air. Nous attendons une voiture pendant une heure environ et la pluie recommence à tomber. Il faut monter à 1200 mètres d’altitude et la route est très sinueuse. On passe devant une grande chute d’eau mais sans la voir, tellement il y a du brouillard! Quand nous arrivons au lac, on n’y voit pas beaucoup plus. Alors il ne reste plus qu’à manger dans un wimpy, de faire le tour des boutiques et de redescendre. La voiture qui nous redescend nous amène directement au camping car le gars est cuisinier à l’auberge. Nous ne nous attendions pas à ça car nous comptions manger en ville. Du coup, nous commandons deux repas à l’auberge. Mais nous ne savons pas ce qu’il y a au menu. Anne-Marie me dit, car elle a repris du poil de la bête, qu’avec la veine qu’on a, ça va être du poisson cru. Et pan ! dans le mille. Heureusement, nous réussissons à transformer le poisson en côtelettes de porc !

Dimanche 5 août 79 : Fête de la danse woraku.

Ce matin, le ciel commence à se dégager. Nous apprenons que la fête de Nikko que nous nous proposions d’aller voir, ne commence qu’à dix huit heures. Si bien que nous avons le temps de repasser au sanctuaire Toshozu finir de voir ce que nous n’avions pas pu voir, puis de remonter au lac en bus après plus d’une heure de stop sans succès. Là, nous mangeons dans une salle, assis sur des tatamis à la hauteur de petites tables basses. Malgré cette position, nous apercevons tout de même le lac, ce qui nous donne envie de le voir de dessus. Nous louons alors une barcasse et à force rames, nous débarquons au temple Chuzenji. Nous n’avons le temps que de le regarder de l’extérieur et nous repartons rendre le bateau. Le stop marche mieux pour descendre. Le gars nous emmène juste où on voulait aller, c’est-à-dire dans une usine. Car c’est en effet dans une usine de cuivre qu’à lieu la célèbre fête de la danse woraku.

Même pas de chaise !
Une restauration rapide (fast-food) japonaise.
Beaucoup de gens sont en kimono, les uns à carreaux noirs et blancs, les autres de toutes les couleurs. Tout est calme, puis à dix neuf heures, tout s’allume et la musique commence. Une musique très rythmée et monotone qui n’en finit plus. Les danseurs forment plusieurs cercles autour d’un petit plan d’eau. Certains dansent avec art et maîtrise, formant des gestes parfaits. D’autres (surtout les hommes) sont très décontractés. Nous nous nourrissons de ce spectacle ainsi que de maïs grillé en branche et de saucisses panées.

Nous repartons vers vingt heures en bus et arrivons à pied au camping vers vingt-deux heures.

Fête de la danse woraku
La danse woraku.
Lundi 6 août 79 : La bonne idée.

Debout à six heures trente car il commence à faire chaud sous la tente. Le temps de faire sécher et de plier celle-ci, nous partons avec l’idée de rejoindre Kyoto en stop. Pour ceci, nous redescendons au centre de Nikko. Nous téléphonons de la gare à une autre agence de voyage qui propose un Tokyo-Paris par l’Aéroflot à 168 000 yens.

A un moment, je dis à Anne-Marie : " Tiens, il y a un 'Rent a Car' en face ". Une heure plus tard, je suis au volant (qui est à droite, vu que l'on roule ici à gauche) d’une superbe Nissan louée pour six jours au prix de 37 000 yens. Nous filons sur Numata en repassant par le lac Chuzenji puis d'autres lacs. Jusqu’à Numata, pas de problème, les panneaux routiers sont sous-titrés, mais c'est après que les ennuis commencent. Nous nous retrouvons sur la mauvaise route en pleine vallée industrielle, ce qui fait que sur des kilomètres et des kilomètres nous nous traînons à trente km/h. De toute façon, toutes les routes du coin sont limitées à quarante km/h.

Nous couchons le soir dans la voiture un peu après Annaka.

Mardi 7 août 79 : le château de Matsumoto.

Nous rejoignons Ueda, puis Matsumoto où nous nous arrêtons pour visiter son château de 1592. Entouré de douves, il se trouvait au centre d'une ligne de défense du Japon.

Nous continuons par une route vraiment impossible jusqu’à Takayama. La montagne est très belle, encaissée et nous sommes parfois obligés d’attendre une demi-heure qu’un camion arrive à se dégager. Nous sommes dans ce qu’ils appellent les alpes japonaises. Dommage que le soleil ne soit pas toujours de la partie !

À Takayama, l’auberge de jeunesse est complète en ce qui concerne les femmes. Nous y prenons tout de même un bain mais sommes obligés de déguerpir en vitesse car on nous cherche des histoires : des personnes de l’auberge qui n’étaient d’ailleurs pas là quand on avait besoin d’elles. Il nous avait fallu plus d’une demi-heure pour savoir qu’il n’y avait pas de place pour Anne-Marie et pas moyen de savoir qui était vraiment le responsable, parmi ces cinq ou six gus qui restaient debout devant nous sans réagir. Nous redescendons au centre ville pour y manger et flâner, il y avait encore une fête avec des danses et la rue principale était toute éclairée.

Nous couchons dans la voiture mais cette fois-ci dans l’autre sens en se faisant de grands coussins sous nos têtes.

Après Nikko, Matsumoto propose également des tampons rouges du lieu, avec lesquels j'ornemente mon carnet. Ce sera le cas dans tous les sites touristiques suivants. Ce serait peut-être à suggérer à notre ministère du tourisme...

On a du mal à se dire qu'il s'agit d'un château de l'époque féodale !

Son donjon est muni de postes de tir.

Le château de Matsumoto sous un autre angle.

Mercredi 8 août 79 : Le long de la rivière Nagara.

Aujourd’hui encore nous traversons une région vraiment merveilleuse. Après s’être un peu trompés de route, ce qui nous a permis de voir un beau lac artificiel et d’acheter des ombrelles en papier, nous suivons la rivière Nagara où une enfilade de pêcheurs, chapeaux chinois sur le chef, surveillent la truite. À midi, nous mangeons sur le pouce en trempant nos pieds dans l’eau. Nous n’arrivons pas à avancer beaucoup plus vite qu’hier, si bien que le soir, nous nous retrouvons à encore cinquante kilomètres de Kyoto.


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