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NOTE : Les phrases en italique et les notes ont été ajoutées au carnet original.

Carnet de Voyage - INDE du Nord et NEPAL été 83 - Page 3/4 : Jaipur
Jeudi 28 juillet 83 : Agra --> Jaipur (Voir carte)

Rien d’intéressant le matin, puis bus ‘Deluxe’ jusqu’à Jaipur. C’est effectivement du luxe par rapport au bus local, mais ce n’est pas encore ça. Les places sont quand même réservées et on n’est plus à cinq sur un banc. Départ quinze heures, arrivée assez tardive vers vingt et une heures trente. On se fait assaillir par les ricksaws et pour s’en débarrasser, on rentre dans le premier hôtel venu, avec un couple de français. On me présente une petite piaule de rien du tout : dix roupies. Bof, ça ira pour ce soir, je n’ai vraiment plus envie de bouger. Seulement, en revenant dans la chambre après le dîner, je me suis aperçu qu’il y avait une multitude de fourmis géantes. Saisi d’une rage meurtrière, j’en écrase les trois quarts et pousse mon lit au milieu de la chambre. En plus, impossible de fermer la fenêtre, un échafaudage s’appuyant sur le rebord. Et pour finir, les interrupteurs étaient placés à l’extérieur de la chambre, si bien que toute la nuit des gens m’allumaient la lumière ou me coupaient le ventilateur. J’ai failli piquer une crise.
Une petite pause pour parler des ventilateurs. Ils sont efficaces contre la chaleur et contre les moustiques. Soi-disant parce que ceux-ci n’arrivent pas à remonter le courant d’air. Mais les costauds qui y arrivent doivent faire le méchant plein avant de repartir. En fait, moi je crois que l’on sent tellement l’air sur les poils que l’on ne sent plus les piqûres de moustiques.

Vendredi 29 juillet 83 : Jaipur (capitale de l’état du Râjasthân - 'pays des Rajas').

Inutile de dire que ce matin je change d’hôtel pour aller au Teej Tourist Bungalow. Une belle grande chambre, je m’y sens tellement bien que j’y fais une bonne sieste et toute la lessive. Le soir, je sors un peu pour aller au cinéma, au Raj Mandir, sans doute la plus belle salle de toute l’Inde. Je regoûte aussi à l’herbe du Kerala et fais un voyage absolument dingue, carrément hallucinatoire. Les pensées et les images s’enchaînent à une vitesse fantastique, on a l’impression de suivre les neurones dans leurs courses, que le cerveau est employé en totalité au lieu de ses dix pour cent habituels. Rien de tel pour des rêves érotiques.

Samedi 30 juillet 83 : Jaipur.

Tour en bus le matin avec le Tourist Office, pas terrible.
La route pour aller visiter l’Amber Palace (forteresse du Xème siècle à 11km au Nord de Jaipur) n’est pourtant pas mal, bordée de collines surmontées de murailles et de châteaux, qui sont en fait des palais de Maharajas décrépis.


Une île jardin.
Un palais au milieu des eaux
Sans doute le Jal Mahal.
RAPPEL : Toutes les miniatures peuvent être agrandies en cliquant dessus.

Et soudain l’Amber Palace apparaît à flanc de montagne.


Enfin, l’amber palace est en vue.
La forteresse avait à l'époque une grande importante stratégique, car elle avait le contrôle de cette gorge étroite menant à Delhi.

On peut y grimper à dos d’éléphant, mais la balade est plutôt courte et de plus, chère.

Ce palais, fût-il couleur d'ambre, ressemble à tous ceux du Rajasthan, avec ses successions de couloirs et de salles.

Des histoires éléphantesques, pardi ! La rampe dallée menant au palais
Quand 2 éléphants se croisent, que se racontent-ils ?
Une fois arrivés, on y a une vue agréable sur les collines avoisinantes :

Même les singes apprécient la vue.
De retour à Jaipur, le City Palace occupe 15% de la ville. Juste intéressant pour l’histoire de ses deux énormes jarres d’argent, ayant servi en 1902 à un maharadjah pour transporter l’eau du Gange, à seule fin de faire ses ablutions à Londres où il était en voyage officiel pour le couronnement d'Edouard VII.

Une partie du palais a été transformée en musée (armes, peintures, costumes royaux, meubles...).

A coté du palais, l’observatoire (Jantar Mantar), qui est en fait une succession de constructions en pierre se servant du soleil pour tout un tas de calculs de positions astronomiques.
Il fut construit (tout comme 3 autres à Bénarès, Delhi et Ujjain), au XVIIème par Jaï Singh II, un maharadjah féru d'astronomie et d'astrologie. Celui de Jaipur contient le cadran solaire le plus précis du monde.


City Palace : Une véritable ville dans la ville.
Les voyez vous ?
Les deux jarres d’argent.
Dans la rue principale, le palais des vents (Hawa Majal) est étonnant : les étages supérieurs ne sont qu’une façade sans rien derrière. Les femmes de la cour y venaient regarder les processions, à l’abri des regards.

Je tiens à me rendre compte de la vue que ces femmes pouvaient avoir :

Ou le Hawa Majal, en Hindi je suppose.
Le palais des vents.
À l'époque, la rue n'était pas aussi grouillante
De la fenêtre du dernier étage.
Dans l’après-midi, je vais à l’adresse indiquée par le routard pour trouver un artisan fabriquant des sitars et des harmoniums. On bavarde, prend le thé et il fait quelques démonstrations de sitar pendant plus de deux heures. On sent vraiment qu’il aime cet instrument. Il semble étonné lorsque je lui confie que je ne suis pas musicien, que le sitar m’intéresse surtout pour sa beauté, une sorte d’œuvre d’art. Le premier prix est à 250 roupies mais n’est pas très belle (il lui manque surtout les cordes d’écho). En fait, j’ai envie de celle à 550 roupies mais il se montre très dur en affaire et ne descend qu’à 500 ou 400 plus ma petite calculette, avant qu’il ne s’aperçoive qu’elle ne marche pas très bien. Tope là alors, seulement les banques sont fermées à cette heure, demain c’est dimanche et nous tenons l'un comme l'autre à conclure cette affaire. Il emprunte donc un scooter et m’emmène à l’autre bout de la ville, dans un super hôtel où je peux changer. Je n’étais pas trop rassuré par sa façon de conduire, mais il me disait qu’il était très prudent à cause de moi !
Dimanche 31 juillet 1983 : Jaipur.

Finalement, je décide de partir seulement demain. Journée tranquille. Je retourne au super hôtel où j’étais allé changer hier, le Rambagh Palace, mais cette fois pour aller à la piscine. L’ensemble est un ancien palais de Maharadjah vraiment splendide. La piscine couverte est très marante et date sans doute du siècle dernier.

Avec des trapèzes au-dessus de l'eau
La piscine du Rambagh Palace.
Le soir, dîner au Niro’s où je prends vraiment mon pied question bouffe. Brochettes d’agneau au citron agrémentées d’autres ingrédients aux saveurs exquises et de très bonnes chapati (sortes de petits pains sous forme de crêpes).
De retour à l'hôtel, j'achète finalement la bague d'améthyste qui n'arrêtait pas de me préoccuper depuis deux jours.
Lundi 1er Août 1983 : Jaipur --> Bénarès.

Le matin, j’ai le temps d’acheter deux petites topazes dans un emporium (magasin d’état où on est sûr de ne pas se faire trop rouler, quitte à payer un peu plus cher). J’ai tellement pris mon pied hier au restaurant Niro’s que j’y retourne à midi.

Cet après-midi, j'entame mon chemin de retour pour rejoindre Katmandou, d'où partira le 10 Août mon vol vers Amsterdam. Pour cela, bus jusqu’à Agra, puis train de nuit pour repasser demain par Bénarès. Si le chemin jusqu'à Bénarès est le même qu'à l'aller, j'envisage ensuite d'en prendre un différent de Bénarès à Katmandou (Voir carte).
Bus sans problème jusqu’à Agra où j’arrive vers les 21h. Il ne faut pas oublier que j’ai maintenant le sitar à trimballer, et ce n’est vraiment pas de la tarte, malgré son faible poids, son emballage de tissu, de papier journal et de plastique. J’ai du mal à trouver un rickshaw qui veuille bien m’emmener jusqu’à la gare, parce qu’ils prétendent qu’elle est fermée, que je n’aurais pas de ticket ce soir, que je devrais partir demain. J’insiste tout de même. Arrivés à la gare, le rickshawer s'offre pour m’accompagner et m’aider avec mes bagages. Un train part bien d’ici 1h30, mais il faut d’abord acheter le billet, puis revenir prendre la couchette et la réservation.
Je me rends donc au guichet, toujours suivi de mon ange gardien, qui intervient à ce moment-là auprès du guichetier. En me tendant mon billet, celui-ci me demande :

  • Vous partez bien demain ? 
  • Ah non, ce soir.
  • Mais il vient de me dire que vous partez demain !
  • N’en tenez pas compte, je pars ce soir.

Ah le saligaud, voilà pourquoi il me suivait partout pour ‘m’aider’. Pour toucher 2 ou 3 roupies de plus en m’amenant à passer la nuit ici. Et de fait, une fois qu’il eût compris que c’était raté, il me dit au revoir.
Dans le train, des indiens attachent leurs valises avec de grosses chaînes ; ça rassure ! Moi, je tourne en rond bien 10 minutes avant de trouver comment m’installer. J’accroche mon sac à dos à une fenêtre (à barreaux) et partage ma couchette avec le sitar ; il ne me reste plus grand-chose pour dormir.
Mon vis-à-vis est un français et nous aurons jusqu’à 15h le lendemain pour nous raconter les péripéties de nos voyages. Il voyageait dans un groupe de trois qui avait dû se séparer à la suite du vol de tous les papiers, argent... de l’un d’entre eux. Cela s’était passé devinez où. Eh oui, dans un train ! Avant le départ, alors qu’ils s’installaient, le contrôleur arrive : " contrôle des billets, SVP ". Le temps de chercher le billet dans un sac, l’autre sac avait disparu, et le contrôleur avec. Mais fort heureusement, il n’avait pas que ça à me raconter.
Arrivés à Bénares, nous décidons d’aller ensemble au Yogi Lodge, situé tout à coté du golden temple et donc en plein dans les petites ruelles près du Gange. Nous partageons une chambre double, car il n'y a plus de simple.
Après manger, nous faisons un tour dans les ruelles et aux crémations. Il fait déjà nuit, le fleuve a monté d’au moins 3m depuis 3 semaines et la rive n’offre plus la même beauté.

Mercredi 3 Août 1983 : Passage de la frontière Indo-népalaise (Voir carte)
Au Yogi Lodge étaient affichés les horaires des bus locaux pour Raxsaul et Sonauli, deux petites bourgades à la frontière népalaise. J’opte pour Sonauli, le trajet étant plus direct. Je me rends donc à la gare des bus pour prendre celui de 10h30 qui partira en fait vers midi. Jusque là, je demande bien une douzaine de fois où se trouve le bus pour Sonauli et à quelle heure il part. J’obtiens des réponses plus ou moins fantaisistes, on m’écrit le n° du bus sur un bout de papier, mais en voulant comparer, je m’aperçois que les chiffres sur les pancartes sont en hindi, alors que sur mon papier c’est en chiffres arabes. Je monte dans celui que l’on m’indique finalement, mais lorsque je demande confirmation à l’intérieur, on me répond qu’il ne va pas à Sonauli. En fait, pendant tout le trajet, je ne serai jamais vraiment tranquille quant à la destination. En plus, c’est un vrai omnibus; les gens montent et descendent sans arrêt. Il n’y a pas de coffre à bagages, si bien que sac à dos, sac inséparable et sitar, bien calés du côté de la fenêtre, occupent une place assise. Comme le bus est surpeuplé, cela en fait râler plus d’un. Certains viennent me voir pour me demander de dégager mes affaires, que c’est une banquette pour trois personnes et je ne sais pas quoi encore. Et où veulent-ils que je mette tout ça ces enfoirés, c’est pas ma faute à moi si je suis touriste. Alors je fais mine de les ignorer, ou de ne rien comprendre. Certains s’en plaignent même au contrôleur pour qu’il intervienne. Celui-ci, un peu embêté, refuse de prendre position. Et ça, ça va durer pendant onze heures d’affilée ! On s’arrête toutes les trois, quatre heures dans de gros bourgs, le temps de se restaurer et de boire un thé, parfois plus longtemps pour changer une roue, mais il ne faut jamais quitter le bus de vue parce qu’il change de place sans arrêt et sans raison apparente, et le chauffeur ne s’amuse pas à compter les passagers lorsqu’il redémarre. Il y en a toujours qui attrapent le marchepied à la dernière minute. Le contrôleur, au lieu de regarder les billets avant de partir, le fait toujours après quelques kilomètres. Si bien que lorsqu’il y a une erreur, on arrête le bus et le gars n’a plus qu’à retourner à pied. À un moment, une altercation s’engage entre le contrôleur et un passager. Ce dernier demande au chauffeur de stopper. Il semble qu’il ne soit pas d’accord sur le prix ou quelque chose comme ça. Les autres passagers prennent parti pour le contrôleur et je ne vous dis pas l’ambiance là-dedans. Finalement, les choses s’arrangent et les gens se calment. Je commence à avoir mal au derrière et je me dandine d’une fesse sur l’autre sur la banquette en bois. Il est vraiment temps qu’on arrive.
Voici enfin Sonauli, il est plus de vingt-trois heures et je ne sais pas du tout comment procéder, parce que la seule adresse d’hôtel que je possède est du côté népalais, et les guides ne sont vraiment pas clairs. Tout le monde descend, il ne restait plus qu’une dizaine de personnes. On n'y voit que dalle et je suis obligé de sortir ma lampe de poche. Je suppose que la frontière est fermée à cette heure-ci. Mais on m’indique le poste indien. Splatch, c’est partout la gadoue, et je suis tant bien que mal la direction indiquée. Quelques mètres et quelqu’un m’appelle, mais je ne le distingue pas. J’arrive finalement nez à nez avec un gros indien qui vient visiblement de se réveiller. Son lit à nattes est d’ailleurs là, sous la véranda. Je lui demande où est le poste frontière, et il me répond que c’est ici. J’ai du mal à le prendre au sérieux, mais il faut se rendre à l’évidence : un petit panneau accroché au toit m’y aide. Le poste est constitué en tout et pour tout de ce panneau, d’une table, d’une chaise, d’une lampe à pétrole et d’un tampon. Le douanier se montre plus intéressé par ma lampe torche que par mon passeport. Un gosse de dix ans parlant un peu d’anglais vient me demander si je sais où coucher ce soir. Je lui réponds que je voudrais passer la frontière, car le douanier indien m’a dit que je le pouvais encore. " Pas de problème, tu n’as qu’à me suivre ". On fait environ cent mètres en essayant de contourner les mares boueuses, avant de rencontrer un soldat en uniforme et le fusil à l’épaule. C’est un Népalais. Je lui demande si je peux passer la frontière ce soir.
  • Avez-vous un visa?
  • Ben, j’en avais un il y a trois semaines, mais il n’est plus valable.
  • Avez-vous des roupies népalaises?
  • Oui, mais ça sera juste!
  • Revenez alors demain matin. Passez à la banque avant, elle ouvre à sept heures.
  • Bon, mais où je couche alors?
  • Ben, il y a des hôtels là-bas, le gosse va vous y conduire!
  • Mais ils sont du côté népalais !
  • Oui, et alors?
  • Ah non rien, merci beaucoup.

Et c’est comme ça que je me retrouve en pleine irrégularité en toute légalité !
Le gamin m’emmène à son hôtel tout à côté, où l’on me sert encore quelque chose à manger. Le changement est immédiat : les gens sont plus cool, plus prévenants, moins chiants pour tout dire. Dans la fumée dégagée par un serpentin anti-moustique, quelques personnes jouent un air de musique : harmonium, clochettes et tamella. À première ouïe, c’est assez agréable. Ce sont des sortes de mantra, très lancinants, courts et sans cesse recommencés. Vous savez, ce que chantent les Hare krishna, l'ancêtre de la musique techno.
Seulement ce que je ne savais pas, c’est qu’ils allaient jouer comme ça toute la nuit sous ma fenêtre, pour s’arrêter finalement au lever du jour, cinq minutes avant que sonne mon réveille-matin.

Jeudi 4 Août 1983 : Sonauli --> Katmandou.

Le minibus part à 8h30. Je prends mon temps pour le petit-déjeuner, aller à la banque et enfin obtenir mon visa. À la banque, je change mes dernières roupies indiennes en roupies népalaises. Il ne m’en restait en fait qu’une trentaine, et encore le banquier me refuse un billet de dix roupies sous prétexte qu’il est abîmé sur le bord. Ça, c’est encore une spécialité indienne : vous pouvez avoir un billet dégueulasse, illisible, avec un gros trou au milieu, tout le monde vous l’acceptera. Mais si par le plus grand des malheurs, il y a une petite coupure (sur une petite ou une grande coupure (billet), peu importe) sur l’un des bords, vous n’avez plus qu’à le scotcher en cas de tourista.

Minibus d’une vingtaine de places, beaucoup plus confortable. Le ciel est couvert mais le trajet sera magnifique. D’abord la plaine et ses rizières puis la montagne avec ses rizières en étages et enfin la plaine haute de la vallée de Katmandou avec aussi ses rizières. Beaucoup de travailleurs des champs sont coiffés d’un chapeau chinois et utilisent un bâton sur l’épaule pour transporter leur marchandise.

Des rizières partout !
En quelques centaines de mètres de dénivellation, on passe par toutes les phases de la végétation et du climat. Ça doit pas être facile de faire de la prévision météo dans le coin! A midi, on crève la dalle et on descend manger dans une petite boutique, justement un dalle, sorte de plat typique à base de lentilles (attention aux cailloux). Pour dessert, on se fume un petit joint, avec 2 autres français assez loufoques. Arrivée à Katmandou vers 18h où je comptais m'installer au 'Kathmandu Guest House', dans le quartier Thamel, mais celui-ci étant plein, je me rabats sur un petit hôtel sympa plus près du centre. Ouf, une bonne douche et un peu de repos après ces 4 jours de trajet. Je sors ensuite me payer une bonne pizza.

  Bénarès  
     
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